Après les journées vécues il y a quelques semaines, on a eu un aperçu des affres de ce pays, de ses blessures, ces plaies béantes qui se ravivent en laissant les âmes en pleurs sur le bord de la route. Nous avons vu les évacuations d’écoles, les enfants réfugiés sous les tables, les parents qui arrivent, au mieux tendus, au pire en larmes… Bien que nous ne soyons pas dans le quartier du palais de justice, nous avons senti la tension et surtout nous avons pris les images en plein coeur. Ces images qui glacent, ces scènes de guerre irréelles avec le cri des kalachnikovs, les miliciens fous furieux armés de lance-roquettes tirant à l’aveugle en explosant un balcon à 20 mètres. Sentir la folie humaine déferler dans les rues que nous avons fait nôtres, pour des motifs inacceptables de protection d’un chef pourri, nous a un peu sonné, tout comme la ville étrangement endormie pendant les 3 jours qui ont suivi, si on excepte les funérailles des miliciens tués qui ont été l’occasion de redonner la parole aux armes, vers le ciel cette fois… .

Je ne sais pas le détail des informations qui vous sont parvenues, mais les libanais ont l’habitude de ces soubresauts et ils sont capables de reprendre une vie normale dès le lendemain. La plupart de nos écoles ont été fermées pendant 2 jours, à titre préventif, mais l’une de celles où la situation était la plus critique, les parents y récupérant leurs enfants sous le sifflement des balles et au milieu des explosions, a réouvert dès le lendemain, comme si de rien était. Il faut dire que ces mêmes parents ont connu la guerre et les cours dans des conditions terribles, cela fait partie de leur construction, de leurs traumatismes, et cela revient toujours dans les conversations que nous pouvons avoir avec eux. L’indignation politique et civile a été complète mais la volonté d’en découdre chez ces milices surarmées reste malheureusement présente, les 30 ans de guerre n’y ayant rien fait.

Le plus triste est de voir le pays pris en otage par quelques-uns, la majeure partie des libanais acceptant cette tyrannie, car ils ont grandi avec elle … ceci dit la vie continue après ces quelques jours de choc.

Je ne voulais pas faire de ce post une inquiétude de plus, je m’étais donné pour objectif de montrer que, malgré cette atmosphère lourde, il y a du bon dans ce pays.

Cela étant, c’est un sacré challenge ! Il est clair qu’avec toutes ces informations inquiétantes, le pays ne vend pas du rêve : essence, crise économique, black out électrique, actes de guerre en plein centre ville, émigration massive de ceux qui le peuvent… Mais, comme souvent, la réalité n’est pas forcément aussi noire qu’on la dépeint, surtout dans les médias où la propension à éclairer ce qui ne va pas, et uniquement cela, fausse sérieusement le regard. Je me souviens de la crise des gilets jaunes, traitée dans les médias américains comme des émeutes mettant la France à feu et à sang et entraînant l’inquiétude de nos amis pour la sécurité de nos familles. Nous avions dû rassurer et expliquer ce qu’était ce mouvement, mais les scènes des Champs-Élysées avaient entraîné des annulations de vacances en France en série chez les californiens paniqués autour de nous.

Aussi, je vais relever le défi et je crois même être capable de vous arracher des rires à la fin de cet article, comme un pied de nez aux fous furieux, mais aussi à l’image des sentiments si paradoxaux qui nous traversent en vivant ici, dans ce pays à la fois si attachant et si agaçant.

J’ai donc signé un contrat avec l’office du tourisme libanais pour tenter de convaincre les plus réticents d’entre vous, des réels charmes de ce pays.

Tout d’abord, sachez que Saint-Charbel est aussi efficace sur les télés, et ça, ce n’est quand même pas donné à tous les saints. Elle nous est revenue après 15 jours de retraite mystique en parfait état, rutilante et prête à soutenir les assauts du Top 14 et de la ligue des champions. Même Élise, qui s’est mise au foot et joue attaquante de pointe, s’avère intéressée par le PSG, c’est dire à quel point les miracles existent en ce pays.

Ensuite, sachez que le Covid n’existe plus ici où le port du masque reste complètement marginal dans la plupart des magasins et est malheureusement restreint aux salles de classe. Bien entendu, ce message est celui de la rue car, dans les faits, les cas sont toujours présents mais j’avoue qu’il est bien agréable de retrouver une vie  »normale », de sortir sans avoir à l’esprit ce fichu virus. En classe, c’est plus compliqué même si on joue tous aux faux-semblants en enlevant le masque très souvent, tant il est insupportable de parler avec, par 30 degrés sans la clim. Le tout est de ne pas se faire choper par la proviseure adjointe qui fait des rondes ;).

Sinon, le temps est magnifique et nous laisse l’opportunité de faire des randos en montagnes, du camping, du farniente au bord de la mer … Avoir tout cela à une heure de chez nous est bien agréable. On mesure notre chance même s’il a fallu un peu batailler et trouver des combines pour l’essence. Le problème est réglé à présent puisque l’essence devient très chère (1euro le litre) pour les libanais et les files d’attente interminables ont disparu.

Nous avons donc, malgré tout, pu vadrouiller dans le Chouf, d’où nous avons pu admirer la fameuse plaine de la Beka qui nous est interdite, en tant que personnel diplomatique. Si vous venez, vous aurez la chance de pouvoir aller à Balbeek et son fameux temple de Bacchus que nous ne découvrirons que si les règles d’accès de l’Ambassade s’assouplissent un peu. C’est dommage car c’est très beau !

Nous n’avons pas vu la neige car c’est un peut tôt dans la saison mais la vue n’est pas moins saisissante depuis près de 2000 mètres:

Donc si vous voulez randonner, le Liban s’ouvre à vous avec des montagnes accessibles et un chemin de randonnée de 470 km qui traverse le Liban du nord au sud (le Lebanese Mountain Trail). Et le camping quasi-sauvage est au rendez-vous pour couper avec l’urbanisation de Beyrouth.

Si vous êtes plutôt branchés mer et farniente, vous pouvez trouver là aussi votre bonheur … un petit week-end à Tyr et vous aurez une mer chaude et translucide, les cocotiers et la douceur de vivre. Bon, on est à quelques kilomètres d’une des frontières les plus surveillées au monde mais cela n’ôte rien à la tranquilité de ce lieu, avec le sunset en bonus.

Si vous venez au Liban, vos enfants deviendront studieux et profiteront d’un peu de calme pour réviser (ça marche peut-être avec les petits-enfants, à tester … ). Ça ne marche pas à tous les coups cependant …

Ce week-end balnéaire nous a fait le plus grand bien et a confirmé la première impression que nous avions eu de Tyr. Paisible, dépaysant et une autre saveur d’Orient …

Nous avons aussi pour la première fois testé le cinéma à Beyrouth et j’ai été bluffé ! Je n’ai jamais été aussi confortablement installé de toute ma vie. Suivre James Bond dans ces conditions était un véritable plaisir, d’autant que le covid n’existe plus au cinéma non plus, donc le masque est aux oubliettes.

La conduite reste le dépaysement principal pour un occidental appliqué, et un vrai atout de ce pays pour lequel l’office du tourisme se bat chaque jour. Vous verrez des choses que vous ne voyez nulle part ailleurs … par exemple le feu rouge vert:

Il n’y a qu’à voir la fierté de Marie quand elle rentre en me disant  « je ne me suis pas arrêtée une seule fois !! » sur un trajet de 20 minutes en plein Beyrouth, avec l’équivalent de la place de la Nation à traverser, pour comprendre l’effet jubilatoire d’une conduite sans respect des règles… il y a vraiment un truc à creuser du côté de ma belle-famille je pense 😁.

Cela n’est pas sans risque mais cela nous vaut quelques franches rigolades, comme ce mec arrêté devant sa voiture sur la voie du milieu de l’autoroute, faisant signe aux véhicules arrivant qu’il y avait un obstacle (donc lui et sa voiture) mais qui se protégeait le corps avec sa deuxième main … pas facile à décrire mais qu’est-ce qu’on a ri ! Il s’agissait en fait d’un employé du réseau d’assainissement dont la bouche d’égout se trouvait en plein milieu de l’autoroute ! Ou encore, ce type en scooter qui a éparpillé son chargement à côté de nous, toujours sur l’autoroute, après avoir foncé sur un nid de poule, qu’il n’a pu éviter puisqu’il était au téléphone.

Chaque trajet en voiture est un spectacle et je ne résiste pas au plaisir de vous partager ce vrai moment de Liban…

J’en rigole à chaque fois !!


Ce pays est tout cela mêlé : le danger et le rire, la ville étouffante et les paysages apaisants, la pollution et la nature, une richesse et une immense pauvreté, une gentillesse infinie et une folie à portée de main … mélange d’émotions, d’humeurs, de vie et de peines.

Je vous le raconte mais la complexité des sensations qu’il procure ne peut se comprendre qu’en le vivant.

C’est compliqué car la crise est perpétuelle, et ce ne sont pas les prochaines élections présidentielles au mois de mars qui vont nous rassurer, mais c’est aussi un pays où on ne s’ennuie pas, c’est le moins que l’on puisse dire.

À vrai dire, il m’arrive de rêver pour mon prochain poste d’une destination où il ne se passe vraiment rien, le Liechtenstein, Saint-pierre et Miquelon, Wallis et Futuna… ça doit être si reposant mais le tumulte libanais me manquerait probablement aussi.

Pour toutes ces raisons, ce pays ne peut laisser indifférent et mérite d’être découvert. J’espère vous avoir convaincu car, avec sa folie et sa sagesse, c’est un vrai condensé de ces contradictions dont est capable l’humanité, et, pour cela, il vaut la peine …

À bientôt

5 Replies to “Vivre au Liban”

  1. Entre envie et inquiétude mais il faudra bien que je passe dans cette partie du monde
    Moi j’aime bien le concept de voiture custom sans travail préalable
    Tu as un contrat spécial avec ton assurance pour Marie et surtout Élise (le foot c’est dangereux)
    Bises à vous

    1. Salut mon ami,
      Tu as raison, je vais tout de suite leur prendre une assurance-vie, surtout Élise d’ailleurs ! Tu es le bienvenu quand tu veux et on ne ratera pas la date cette fois 🥺
      Bises à toi

  2. Tu as réussi haut la main à me faire aimer ton nouveau pays d’adoption. Après mon retour en France l’année prochaine vous serez ma prochaine destination. Bisous de SF

  3. Encore un post bien différent des autres, sans surprise au vu de la situation dont on nous parlait dans les médias. Mais sans le vivre, pas facile de l’imaginer.
    Tu contre-balances tout ça avec vos balades, vos décors tous plus jolis les uns que les autres, ce qui fait qu’on s’échappe un peu de tout ça, et ça fait du bien.
    Sans parler de ce pilote ô combien talentueux, pour ramener à bien sa voiture, ou disons plutôt son 1/3 de voiture. Il est quand même très fort et m’a bien fait rire 😉
    Merci à vous et biz à toute la famille (même à Elise! Tu sais Nora fait aussi du foot dans une académie… y a plus d’saison mon bon Monsieur!)

Comments are closed.