Chypre est une île située à moins de 200 km des côtes libanaises et un saut de puce de 30 minutes en avion. C’était l’endroit idéal pour prendre un bol d’air et nous extirper de l’atmosphère libanaise durant quelques jours des vacances de Toussaint. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, tant nous avions peu préparé ce séjour. À peine le temps de réaliser les quelques formalités spécifiques liées au Covid pour entrer sur le territoire chypriote, nous voilà au volant de notre voiture, à droite, ce que nous ignorions. L’île s’est trouvée bien plus grande que nous l’imaginions et il nous a fallu plus de deux heures depuis l aéroport de Larnaca pour rejoindre le cap septentrional de la partie grecque de ce territoire déchiré en deux (une partie turque, une partie grecque) à la suite de la tentative de coup d’état d’une frange de la population hellénique en 1974. Il résulte de ce conflit une présence de l’ONU dans la zone tampon et surtout plusieurs bases britanniques dans la partie grecque afin de maintenir une influence qui explique notamment la conduite à droite. On nous avait parlé en termes un peu négatifs de Chypre lorsque nous avons annoncé notre séjour à nos connaissances libanaises, ce que quelques commentaires sur internet semblaient confirmer. L’île serait sans intérêt, polluée et culturellement peu attrayante.

On ne s’est pas formalisés de ces avis car nous n’allions pas vraiment là-bas pour faire le plein de musée mais surtout pour apprécier le calme d’une balade en bord de mer, les enfants rêvant de farniente et grasses matinées après un premier trimestre éprouvant et une pression scolaire importante. Mais cela nous a un peu refroidis donc on y est allés sans se faire trop d’illusions.

Pour la tranquillité, on a fait le choix de trouver une petite maison avec piscine, au bord de la mer, un peu loin des grandes villes mais sur la côte nord un peu préservée de la pression touristique. Nous nous sommes donc retrouvés dans une résidence paisible, au milieu d’un verger de mandariniers, pamplemousses, orangers, citronniers et tout un tas d’autres arbres inconnus qui ont fait notre délice au petit-dej avec le plaisir de fruits frais même si le Liban n’est pas en reste de ce point de vue.

La résidence se trouvait à un peu plus d’un kilomètre d’une petite station balnéaire quasi-déserte qui transpirait de douceur, le long d’une jolie plage visible depuis l’étage de la maison.

Le calme et la propreté des lieux nous a frappé, en arrivant du Liban … pas un papier qui traîne, pas un klaxon, juste ce qui nous fallait pour profiter de ces queqlues jours de vacances !

L isolement de cette partie de l’île est dû en partie aux contreforts de la chaîne du mont Olympe qui vient plonger à cet endroit dans la Méditerranée. Cela engendre un climat un peu plus doux en été, et une authenticité un peu plus préservée du tourisme. Notre séjour ne durant que 5 jours, on a surtout commencé à profiter de la piscine pour réfléchir à la condition humaine, malgré une eau un peu fraîche … Marie préférant, de son côté, se faire des copines.

Nous avons vraiment apprécié la gentillesse des gens, même s’il est vrai que c’était la basse saison et que nous avons donc eu l’occasion de voir les chypriotes dans des conditions tranquilles. En été et un peu plus tôt en automne, c’est l’affluence anglaise, russe et des pays de l’Est qui en fait une destination très touristique. Ça nous a vraiment surpris car on en avait jamais vraiment entendu parler avant le Liban. Loin des commentaires négatifs que nous avions lus, les nombreux sites archéologiques très bien conservés, et l’ensemble de l’île franchement propre et agréable (pour la partie grecque du moins car nous n’avons pas eu le temps d’aller du côté turc) nous a charmé. Même loin de la tranquillité de Polis, dans les montagnes ou sur la côte, nous avons trouvé une île vraiment chouette et variée. Nous n’avons pas été à Nicosie, la capitale, mais nous sommes restés à l’ouest de Chypre pour visiter la cascade d’Aphrodite, son rocher ou encore le site de Paphos (le chien) aux mosaïques magnifiquement préservées.

Par l’architecture, l’omniprésence des drapeaux, la douceur de vivre, la nourriture, on s’est senti comme en Grèce et la sensation d’Europe, curieusement, nous a vraiment fait beaucoup de bien.

Quel plaisir de retrouver les quelques repères qui nous manquent tant comme Ikéa, la plupart des magasins que la crise libanaise a rendu vides ou encore une organisation bien plus proche de ce qui fait partie de notre construction sociale. Il est incroyable de constater à quel point ces 200 kilomètres marquent la différence entre Europe et le Liban. C’est à ce moment-là que nous avons pris la pleine mesure du mot Proche-Orient, si différent mais si proche à la fois. On a retrouvé aussi des côtés moins sympas avec la nécessité de montrer son passeport vaccinal pour entrer dans les boutiques, ce que nous n’avions jamais expérimenté, une réalité éclipsée au Liban même si on reprend en distanciel à la rentrée en janvier malheureusement.

Au niveau de l’attrait touristique, la côte est magnifique avec une eau transparente tout au long du littoral qui nous a parfois fait penser à Tahiti, dans la douceur et la tranquillité, en plus du relief, toute proportion gardée … la Polynésie restant unique dans notre cœur.

Pour prolonger ce parallèle un peu étrange à 15000 km de là, Marie a trouvé les moyens de nous faire faire une petite expédition tortues. Vous connaissez son goût pour les animaux (pour les nouveaux lecteurs, lire God Bless America). J’avais volontairement choisi le Liban pour son absence complète de faune. Au Liban, les cigognes, ils se les font à la kalach (c’est malheureusement vrai …), alors un zoo ferait un magnifique stand de tir ce qui fait que je suis assez tranquille de ce point de vue là. Il n’y a qu’à voir comme on s’extasie devant un grillon pour comprendre le désert animal dans lequel on vit (ceci dit, à Paris, c’est pas terrible non plus … ).

un grillon, pas une cigale !

Fidèle à ma ligne de conduite depuis quinze ans, j’avais soigneusement planqué toutes les infos, arraché toutes les pages des guides, détourné l’attention de ma moitié à chaque panneau publicitaire, blacklisté tout site internet contenant le mot animal … Ça a commencé à se gâter quand nos potes et collègues, Jacques et Marjo, présents à Chypre au même moment, ont fait de la pub pour le zoo de Paphos où on pouvait nourrir soi-même les girafes. Ah, le coup bas !! Je l’avais pas vu venir celui-là et j’ai rapidement trouvé une allergie aux girafes dans les tares de notre fille adorée pour échapper à une expédition qui nous aurait encore valu un abonnement de 5 ans à Girafe Magazine ou un stage de soins animaliers pour les girafes victimes de tir de kalachnikov. On a eu hyper-chaud sur ce coup mais voilà ce qu’il se passe lorsqu’on relâche la pression … et j’ai fini par me laisser surprendre par une plage où les tortues viennent pondre !

 » – Mais Marie, elles viennent pondre en été les tortues. Une tortue, ça a une foutue mémoire ! Ça se rappelle où elle naît et elle est capable de retrouver sa plage facile, elle est organisée ! Elle va pas se gourrer de date à ce point !

-Tu sais, avec le réchauffement climatique, les tortues sont complètement paumées … on ne sait jamais ! D’ailleurs, j’ai vu un stage qui m’intéresse bien pour nous cet été : il s’agit d’apprendre aux tortues à se resynchroniser avec leur cycle biologique.

-bien sûr mon amour, c’est absolument génial … oh !! tu as vu ? il y a une cigogne sur le bord de la route. Mais, on dirait qu’elle a pris un tir de kalach … c’est beau la nature !

-ne fais pas semblant de ne pas avoir entendu … je veux voir des tortues, ça fait longtemps, ça me manque ! Je ne faiblirai pas cette fois ! Et puis déjà qu’Elise est allergique aux girafes, la pauvre, ça serait bien de la sortir un peu pour voir des animaux, surtout des bébés tortues !

-mais tu ne te rappelles pas ? Elise fait une phobie des tortues depuis qu’elle a vu Tortue Ninja à 3 ans, on ne peut pas lui faire ça !

-Tu me prends pour une conne ? C’est Baptiste qui fait une phobie des araignées à cause de Spiderman …

– Ah bon ? Oh, tu as vu , on dirait des parapentes là-haut ! C’est vraiment beau la nature …

– Bon arrête de faire de l’évitement, on va à la plage aux tortues !

-Alors je t’arrête tout de suite, mon cœur, ça a l’air difficile d’accès cette histoire, je crois qu’on n’est pas équipés pour …

– Si je ne vais pas à la plage maintenant, je m’inscris au stage cet été … « 

Du coup, nous voilà partis sur des routes de montagne en terre avec une Audi A1, on a plusieurs fois risqué nos vies, car cette route ne se fait qu’en quad, mais il était hors de question de faire ce stage en été. Il y a des moments dans la vie où il faut faire des choix, et là, elle m’a regardé avec admiration en voyant à quel point on pouvait prendre des risques pour aller voir des tortues qui, bien sûr, se la coulaient douce sur des plages bien plus accessibles à quelques centaines de miles de là. Malgré l’état de la route vraiment à la limite des capacités de la voiture, la balade était sympa et les points de vue très jolis.

Cette expédition nous a permis d’échapper aux girafes, rien que pour ça, ça valait le coup. Mais comme nous ne sommes pas allés à la faune, elle est venue à nous lors du matin de notre départ …

toujours surveiller ses chaussures

Pour la petite histoire, Baptiste a vraiment la phobie des araignées depuis sa plus tendre enfance … Il nous a interdit de postuler en Australie pour cette raison, la présence des araignées les plus dangereuses au monde étant complètement rédhibitoire à ses yeux (il suffit d’évoquer les araignées entonnoirs pour voir sa réaction).

Heureusement, c’était une petite tarentule et il y en a très peu qui sont vraiment dangereuses à Chypre. Il a marché pendant 5 minutes avec cette araignée au bout de sa chaussure, et c’est en s’installant en voiture qu’il l’a certainement écrasée. Il n’a pas eu de fièvre mais surtout une belle frayeur.

Je ne sais pas si cet épisode a permis de le guérir de sa phobie, mais depuis Chypre, il a un comportement assez bizarre …

Bon, il y avait déjà quelques doutes quand il était petit mais là, ça semble s’aggraver et on n’est pas certains que cette araignée était complètement normale …

En dehors d’araignées un peu téméraires, on a beaucoup apprécié ce court séjour à Chypre reposant et vraiment apaisant. C’est une très belle destination pour la Toussaint avec un climat très doux et une île désertée par les foules de touristes.

Une chose est sûre, on y retournera probablement, il reste tant de girafes à nourrir…

À bientôt

2 Replies to “Parenthèse chypriote”

  1. Je me disais bien que j’avais déjà vu des baptaraignés dans le temps
    Pour les tortues y’a des sites de pontes ici et on peu en voir toute l’année moi je dis rien …. Et puis y’a des dauphins, des manicous, ok on a aussi des scolopendres
    Bonnes fêtes
    Bises

  2. OMG OMG OMG !!!!!!!!!!
    Moi je suis restée bloquée sur l’araignée… le reste de tes propos a été totalement effacé de ma mémoire… OMG !!!!

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