Cela fait un moment qu’un autre article est en cours de rédaction, le temps s’étirant lentement depuis que j’ai entrepris sa rédaction. Ce n’est pas qu’il ne se passe rien, ce concept étant furieusement inconnu en ces lieux, mais plutôt que l’intensité de ma mission ici ne laisse que peu de temps à l’écriture. Les derniers évènements en date ont poussé le ministre de l’éducation à fermer les écoles et donc je goûte du répit accordé avec une vraie reconnaissance et un petit passage sur le blog pour vous raconter tout ça.

Depuis un peu plus de 24 heures, je mesure la relativité du temps avec un peu plus de force. Il y a de ces moments qui filent comme le vent, comme cette expérience américaine vécue tel un éclair et la nostalgie immense de ne pas en avoir assez profité , ou encore l’enfance des enfants qui semble si lointaine à présent, écoulée en un claquement de doigt. D’autres instants paraissent interminables … une surveillance de bac ou la dernière nuit me faisant vivre ce qui s’avère être la plus longue minute de ma vie. Pour ceux qui l’ignorent, les tremblements de terre qui ont frappé la Turquie se sont propagés jusqu’au Liban le long de la faille de Yammouné, jetant une grande partie de Beyrouth dans les rues malgré la météo exécrable que nous avons depuis quelques jours (pluie torrentielle, vents violents, froid relatif mais bien réel pour des maisons si mal isolées).

À 3h17 du matin, j’ai vraiment cru mourrir … Les oscillations d’une amplitude de plus de deux mètres, et surtout leur intensité croissante, m’ont poussé hors du lit en pensant que l’immeuble, entré en résonance, s’écroulait sous l’influence du vent brutal. Ce n’est qu’après avoir réveillé Marie puis Elise, en courant, que j’ai compris ce qui se passait réellement, dans un temps qui m’a paru infini. Une minute, c’est si long quand on sent que tout s’effondre et qu’on ne peut s’accrocher à rien. L’immeuble est très récent et construit aux normes sismiques, mais la hauteur de celui-ci entraîne une amplification de l’intensité du séisme de 0,1 par étage, ce qui permet de comprendre un peu mieux la violence du choc.

Quelques minutes plus tard, une réplique nous a poussés à descendre et à errer dans le hall de l’immeuble avec quelques-uns de nos voisins, naufragés de la nuit, à la recherche d’une explication et d’informations. En trouvant un peu de réconfort dans quelques couvertures et le thé offert par les gardiens, nous avons patienté pour finir par remonter non sans crainte.

Aujourd’hui, nous réalisons pleinement le désastre et la souffrance que subissent tous ces gens à moins de 450 km de chez nous, à côté de qui nous sommes bien chanceux. Depuis, une vingtaine de répliques ont à nouveau fait trembler Beyrouth, la peur faisant ressurgir partout le spectre de l’explosion du 4 août.

De mon côté, le temps va probablement calmer ce sentiment de déséquilibre permanent… quelques jours, quelques semaines pour éteindre cette minute en enfer et laisser le temps au temps. Mais je crois que je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti à ce moment-là, vraiment terrifiant.

Heureusement, aucune victime n’est à déplorer ici et peu de dégâts mais le Liban reste le Liban, sachez qu’après la première secousse, les habitants de Tripoli ont tiré en l’air à la kalachnikov pour réveiller les voisins et vérifier que leur logement ne risquait pas de s’écrouler… on n’a vraiment pas les mêmes réflexes :D.

À bientôt pour un post un peu moins angoissé j’espère 😉

quelques stigmates (oui oui c’était vertical) du séisme, en plus d’une guitare et quelques statuettes
l’état de mes élèves après une telle nuit …
une réplique … ça bouge déjà pas mal !
pas de victime, des dégâts au nord du Liban

4 Replies to “Une si longue minute”

  1. Aie Aie Aie, nous vivons cela régulièrement mais pas dans cette proportion et pourtant cela fait peur. C’est un bon sujet d’étude de l’exponentielle avec Richter….
    Remettez-vous bien en préparant vos vacances car cela ne doit pas être loin.

    La bise
    Thierry

  2. Un tremblement de terre au Liban, après avoir passé plusieurs années à San Fransisco… Pas de blessé chez vous, heureusement ! J’espère qu’il n’y aura pas de nouvelle réplique (la vidéo est déjà impressionnante). Remettez-vous de ces émotions et songez peut être à dégoter une kalash, histoire de vous intégrer un peu ;), (je vois bien que cela te démange, ce n’est pas la première fois que tu en parles)

  3. Ouille² x ouille ! Quel imprévu ! Je comprends bien que rien n’aille plus lorsque notre bon vieux référentiel terrestre ne se tienne plus « immobile » …
    De toute façon, je n’ai jamais aimé la SVT 🙂
    Bises x 3

  4. Oups, effectivement ton post est plus angoissant que les autres… on ressentait beaucoup moins le plaisir de la découverte même si celle-ci en est une belle! Par définition, une découverte, c’est la première fois, j’espère donc qu’il n’y en aura pas d’autres pour vous! Ça doit être une sacrée frayeur, surtout à cette hauteur, sans savoir ce que c’est ! D’autres ont eu moins de chance, comme tu le dis, en Turquie et en Syrie.. avec ce nombre qui ne cesse de croître… Glaçant.
    Merci pour ce témoignage personnel, plus parlant que toute information générale.

    Remettez-vous bien de vos émotions… Au plaisir de vous relire de façon plus détendue.
    Bises à toute la famille, de la Mayenne, terre beaucoup plus paisible que le Liban, semble-t-il… 😉 L’invitation est lancée pour vos futures vacances ! 😀
    Manu
    ps : je valide la proposition de l’exponentielle de Thierry 😉

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