Nous sommes arrivés à Beyrouth il y a 6 jours et nous avons commencé à découvrir la ville, à petits pas … Pour ceux qui n’ont jamais expérimenté une nouvelle vie, dans un ailleurs dont les codes vous sont étrangers, il faut savoir prendre son temps. En tout cas, c’est ainsi que nous le vivons . Il y a de nombreuses habitudes, prises depuis que nous sommes nés, qui sont loin d’être une évidence dans un nouveau monde qui devient votre quotidien.

Bien sûr, quand on part en vacances, on expérimente ce genre de dépaysement qui amuse ou surprend. Quand vous savez que cela doit devenir un réflexe, c’est vraiment différent. Cela nous avait déjà frappé en Californie, dans tout un tas de gestes instinctifs anodins, comme par exemple le supermarché où l’organisation des rayons nous apparaît complètement illogique, d’où perte de temps voire abandon complet de certains ingrédients de la liste. Nous n’en sommes pas encore là, mais il est questions de fonctionnements bien plus essentiels. Commençons par l’eau. Il faut bien sûr s’habituer à ne pas boire l’eau du robinet, surtout pour Baptiste qui est le spécialiste de la tourista explosive (je sens qu’il y en a à qui ça parle) dans les divers endroits du monde qu’on a testé. L’eau est bien présente au Liban, il y a du ski en hiver, des cours d’eau nombreux dans la montagne, résultat d’une géographie favorable avec les deux chaînes successives du Mont Liban puis Anti-liban avec entre les deux la célèbre plaine de la Bekaa. Malgré cela, le réseau de distribution n’existe pas, ou en tout cas, pas à la manière occidentale. Cela veut dire que chaque appartement a son réservoir d’eau, en haut de l’immeuble ou au rez-de-chaussée et qu’il faut maîtriser sa consommation sous peine d’être en rade. Les camions-citerne alimentent régulièrement les occupants sous la supervision du concierge. Ça, c’est la personne-clé. Un allié du quotidien qu’il faut bichonner car il est au centre de beaucoup de tracasseries mais j’y reviendrai. Cela donne donc aux cours d’immeuble une vision très étonnante de bidonland, sans parler des nombreux tuyaux qui parcourent anarchiquement les façades à la recherche du lien appartement-réservoir le plus direct possible.

Nous avons eu la conscience écologique, ou la chance, de ne pas prendre des douches de 20 minutes à chaque fois malgré la chaleur humide écrasante de la fin du mois d’août à Beyrouth, sinon nous aurions été bien embêtés. En effet, c’est tellement évident pour eux que les proprios du AirBnb ne pensent même pas à te le dire … Il n’est donc pas conseillé de boire une eau stagnante dans des gros bidons en plein soleil, mais tu as une fontaine qu’il te faut recharger avec des bouteilles de 5 ou 10 litres disponibles dans toutes les épiceries. Là aussi, il faut gérer, et c’est plutôt une bonne chose je trouve ou comment réaliser que c’est une ressource précieuse que le modernisme occidental nous fait oublier.

Nous avons rapidement vécu un autre moment cocasse avec Élise hurlant depuis les toilettes qu’il n’y avait pas de papier toilette et faisant une semi-syncope en comprenant à quoi servait la petite douchette accrochée au mur.

En voyant sa réaction, j’adorerais voir les fameux clients du supermarché australien en situation ! Elle a fini par s’habituer même si je crois que son premier geste en arrivant au lycée va être d’aller vérifier les toilettes 🙂 .

L’électricité est elle aussi un véritable enjeu ici. Beyrouth possède uniquement des centrales à mazout pour son électricité et n’a pas les moyens d’assurer une alimentation électrique 24h sur 24 à tout le monde. Aussi, il y a 3h de coupure par jour, de 6h à 9 h, de 9h à 12h, de 12h à 15h et de 15h à 18h, tournante selon les quartiers. Au plus fort de la crise, c’était plutôt 3 h par jour d’alimentation électrique et 21h de coupure car l’argent pour le mazout manquait. Après avoir expérimenté cela à Tiburon l’automne dernier, c’était la hantise des enfants … mais chaque immeuble est équipé d’un générateur qui prend le relais. Enfin, à condition d’avoir commandé le mazout dont le prix au marché noir peut rapidement saler la facture. C’est une nouvelle fois le gardien qui gère cela en fonction du nombre d’ampères que tu veux. Sur notre impressionnant compteur, on a donc un compteur digital affichant le nombre d’ampères consommés et il faut choisir entre la clim, la machine à laver, le lave-vaisselle et la télé.

Nous sommes restés 3h sans courant vendredi dernier après-midi, pensant avoir dépassé la limite avant que les proprios n’interviennent auprès du gardien pour qu’il règle le problème en bidouillant. Bref, une vraie personne ressource ce gardien ! Ils sont payés bien peu et il est de tradition de faire un peu plus lors d’un bon repas et de leur descendre à manger, de donner de belles étrennes à Noël, … car c’est une personne vraiment importante pour faciliter ton quotidien.

Sinon, en parlant de quotidien, on a enfin nos téléphones libanais après nous être fait avoir (mais avec le sourire, ce qui est toujours plus agréable) pour notre première ligne en payant 3 fois le prix … c’est-à-dire au taux officiel de la livre libanaise de 1500 livres pour 1$ alors que le taux usuel est actuellement de 4500 LL pour 1$ et le taux au marché noir de 8000LL pour 1$. Cette valeur différente ne simplifie pas la tâche pour comprendre la valeur des choses mais toujours est-il qu’on s’est fait avoir :). D’autant qu’en fait, le français n’est pas du tout du tout parlé dans les quartiers musulmans que nous avons arpentés et l’anglais reste aléatoire alors il faut se débrouiller … sauf pour Marie qui a un anglais proche du libanais depuis sa jeunesse et qui, du coup, est hyper à l’aise.

Le contrat était pourtant assez clair avec le surlignage

Bon il faut toujours une première fois, même si, de ce que nous avons vu, la confiance est de mise avec des gens aimables et honnêtes. Sinon, ici, tu achètes ta carte sim, tu mets de l’argent sur ta carte et on prélève cet argent pour te mettre des datas pour une certaine durée. Tous les appels restent payants, donc tout le monde utilise What’s App, ce qui explique pourquoi le projet du gouvernement de taxer cette application en octobre dernier a déclenché la révolution.

Nous apprenons ces codes libanais afin de nous fondre dans notre quotidien. Jusqu’à ce matin, nous logions dans le quartier de la Manara, un quartier très musulman disparate au bord de la mer, pas très loin des quartiers plus huppés de Hamra et Raouché. L’appart est très confortable et sympa mais nous n’adorons pas le quartier, même si nous avons commencé à y prendre nos marques avec les épiceries, supermarchés et restaurants à retenir. On voulait voir autre chose et l’appart’ a été loué pour le mois de septembre donc il nous a fallu nous mettre à la recherche d’un autre lieu meublé. Petit coup de stress alors que les immeubles flambant neufs et vraiment jolis sont vides … c’est à n’y rien comprendre mais nous ne faisons qu’effleurer la complexité de cette ville et de la situation ici. Le mélange des genres est étonnant avec des taudis qui jouxtent des immeubles de luxe avec des apparts à 1 millions de dollars, les Lamborghinis et Porsche cohabitent avec les mendiants opiniâtres, les maisons pour chats dans la rue à côté des immeubles effondrés, …

Ce contraste existe partout mais il y a ici une telle densité et cohabitation permanente que c’est étonnant. Cela n’est pas déplaisant, mais ce qui semble guider avant tout, c’est la confession des habitants, riche ou pauvre. On a largement le temps de découvrir tout cela car pour l’instant, nous nous sommes cantonnés aux quartiers qui nous entourent, pas loin du lycée où je vais travailler et que vont fréquenter les enfants.

Les traces de l’explosion y sont assez peu perceptibles à part le verre brisé qui est mis en tas ici ou là.

Les quartiers proches du port, comme MarMikael, sont eux en sale état et leurs habitants ont du mal à reconnaître les lieux.

Nous nous donnons du temps pour partir à la découverte des autres quartiers de Beyrouth car il nous faut vraiment apprivoiser les choses petit à petit. Nous allons bien et le moral est plutôt bon malgré les incertitudes sur les dates de la rentrée. En revanche, nous n’en pouvons plus de traîner nos valises depuis près de 2 mois et il est plus que temps de trouver un chez nous après 12 changements de lieu de vie pendant l’été. Nous déménageons à nouveau, pour un mois cette fois, au nord d’Hamra, en espérant que cela soit la dernière avant que notre container arrive.

Après 2 semaines de glandouille à Oakland, il a pris 2 semaines de retard dans le canal de Panama, le bougre ! J’ai fait jouer mes réseaux et le capitaine a été limogé pour être remplacé par mon beauf, ça devrait accélérer un peu les choses … car je réalise maintenant qu’il a en fait une conduite libanaise !

À très vite

3 Replies to “Petit à petit”

  1. Excellent, ce système pour l’eau. On ne remerciera jamais assez Haussmann chez nous !
    Et l’électricité, V’la le compteur.on dirait le convecteur temporel !

  2. C’est bon de savoir que tout semble bien se présenter malgré les petit tracas du quotidien
    Pour l’électricité procurer vous des ventilateurs avec batterie, très utiles pour les coupures (je sais de quoi je parle)
    Je pense que nous attendons tous un top sujet sur les toilettes
    Bonne recherche de logement on est très attentif aux petits conforts
    Et surtout saluez notre président
    La bise

  3. A te lire, je ne vois pas en quoi ça vous change de SF? …
    Bon ok, il y a quelques « petits » changements, mais si le moral est bon et que toute la famille se porte bien ( et porte bien les valises !), ces petits changements vous manqueront quand vous serez partis.
    Je valide pour le post sur les toilettes, avec une expérience individuelle à raconter. Que le clavier passe entre toutes les mains! Après du gel hydroalcoolique si vous voulez mais pas sous la douchette bien sûr! 😉
    Pour le reste, je vous souhaite de retrouver votre container au plus vite, mais ta relation va jouer, c’est sûr, et de vous installer au mieux et au plus vite!
    Bon courage aussi pour la rentrée. en France c’est aujourd’hui … enfin pas pour moi, seulement demain !
    Bisous à vous 4 et bravo encore pour l’adaptation linguistique impressionnante de Marie ! 😋

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