Cela fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de nous … ce n’est pas qu’il ne se passe rien puisque des bouts d’articles me trottent dans la tête, mais le temps manque ! Alors, comme le mois de mai pointe son nez avec ses nombreux jours fériés confessionnels (l’Aïd musulman, la Pâques catholique puis orthodoxe, l’Ascension prochaine et tout un tas d’autres trucs auxquels il est difficile de donner un nom), je prends avec philosophie le temps grignoté sur les programmes, et surtout, la plume pour vous tenir au courant de nos aventures au Proche-Orient.

Nous avions hésité entre Oman et la Jordanie pour ces vacances de Pâques. Les effets cumulés de l’incertitude du Covid, qui complique les réservations aux Émirats, et la requête récurrente de ma belle-mère pour l’emmener avec nous à Petra ont décidé pour nous : ce sera la Jordanie.

Les parents de Marie ont donc atterri une semaine avant notre départ collectif vers Amman, pour découvrir un peu le Liban malgré le nuage de sable qui a brouillé l’atmosphère toute la durée de leur séjour ici.

Ils ont quand même pu profiter de ces quelques jours pour se promener dans les endroits que nous apprécions puis nous nous sommes préparés pour un périple de 10 jours dans ce pays situé à 4 heures de route de Beyrouth. La situation en Syrie nous empêchant de faire le trajet en voiture, nous nous envolons pour à peine une heure de vol à destination d’Amman, située à 800 mètres d’altitude et entourée de massif plus ou moins marqués et donc étonnamment verte et fraîche.

Notre premier choc a été l’imposante présence militaire, voyante et affirmée. Nous sommes maintenant habitués à voir des soldats en arme à chaque coin de rue mais, là, l’atmosphère était moins légère. Au-delà de la vive froideur de l’immigration jordanienne, nous avons découvert qu’Alain avait dû avoir un passé d’espion caché. La présence de petites jumelles (qu’il n’utilisera d’ailleurs jamais tout au long du séjour) dans ses bagages l’a contraint à une petite visite dans le bureau de la sécurité intérieure qui voulait probablement s’assurer ne pas avoir affaire à un dangereux espion israélien, cherchant à déstabiliser le royaume jordanien à l’aide de ses jumelles hi-tech. Il faut dire que la frontière avec Israël n’est pas un long fleuve tranquille, bien que longeant le Jourdain sur toute sa longueur, et que le pays accueille pas mal de réfugiés. Même si leur présence déséquilibre un peu l’économie du pays, la force militaire est surtout le fait de relations avec le voisin de l’ouest tendues bien que sans accroc depuis plusieurs années.

Passées ces considérations géopolitiques, avec Marie et les enfants, nous avons été frappés de voir des troupeaux d’animaux partout et une faible densité d’habitations, il faut croire que nous commençons à nous habituer au paysage libanais, ce qui n’est pas franchement une bonne nouvelle. Pourtant, Amman est une ville de 3 millions d’habitants avec une circulation devenue problématique comme toutes les grosses cités qui ont poussé trop vite. Il y a donc mieux comme modèle de grands espaces mais la construction incontrôlée du littoral libanais finit par fausser notre jugement.

Bon, autant le dire tout de suite, Amman ne nous a pas laissé un souvenir impérissable. Nous y sommes allés en plein Ramadan donc la vie n’y était pas au rythme habituel, mais la ville manque cruellement de charme et d’identité. Seule la mosquée qui trône face à la cathédrale orthodoxe nous a attiré puisque nous n’avons pas encore pu visiter celle de Beyrouth, construite sur l’ancienne ligne de front, comme un symbole.

On a décidé de palier partiellement cette incongruité en nous arrêtant au moins visiter la mosquée d’Amman. Elle est très jolie de l’extérieur mais cela s’arrête malheureusement là.

Les enfants en ont profité pour céder au keffieh aux couleurs locales, c’est-à-dire blanc et rouge qui en identifie immédiatement l’origine, comme les tartans écossais.

le keffieh jordanien

Pour cette première journée, direction plein nord vers la ville de Jerash, ville gréco-romaine d’importance sur la route reliant Damas à Jérusalem. La plupart du site était sous le sable pendant des siècles, ce qui explique son remarquable état de conservation. L’endroit est impressionnant et le cadre verdoyant ajoute au côté très paisible du lieu. On a passé un moment très agréable avec un tour de près de 3 heures au milieu des ruines.

Les jours suivants, nous avons pu appréhender toute la diversité de ce pays à cette période de l’année, car, au gré de notre descente sur la route royale vers le sud, nous avons vu le paysage changer radicalement sous nos yeux, de prairies à montagne, de désert à plaine fertile en quelques kilomètres … le tout parsemé de châteaux croisés et surtout de lieux bibliques en pagaille : première carte de la Judée, le Mont Nebo où Moïse est mort, le site du baptême du Christ, les nabatéens et les manuscrits de la mer Morte et bien sûr, la magnifique Petra… l’Histoire est partout .

une des premières églises du monde

Nous avons été frappés avant tout par la majesté des paysages, qui nous ont beaucoup rappelé les grands espaces américains à plusieurs titres. Tout d’abord, leur variété mais à une échelle bien plus petite, mais aussi les couleurs de la roche et les spectaculaires inventions de la Nature. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi nos ancêtres ont vu une intention divine dans ces phénomènes géologiques.

la vue sur la vallée de Dana

La Jordanie se découvre tranquillement, avec patience et sait vraiment séduire le voyageur. Elle a pour elle la gentillesse et l’honnêteté de ses habitants, de ceux que nous avons croisé en tout cas… C’est assez rare pour être signalé, nous n’avons pas été vus comme de vulgaires portefeuilles ambulants et la retenue des guides ou du chauffeur a vraiment tranché avec ce que nous avons pu vivre en Egypte par exemple.

Malgré le Ramadan, très suivi dans ce pays Hashemite qui est très majoritairement musulman (6% de chrétiens d’orient), les jordaniens se sont pliés en 4 pour nous accueillir au mieux, même si les bédouins ont du mal à respecter les règles pour la préservation des sites. Par exemple, il est possible de réserver une nuit dans une grotte de Petra, malgré la stricte interdiction ( voir ici , bon ok, c’est la petite Petra mais il est aussi possible de le faire dans le grand site de façon moins visible) . Les sollicitations pour monter sur les rochers, afin d’atteindre un point de vue, sont légion, à côté d’un panneau et de dispositifs décourageant cette dangereuse escalade. C’est assez perturbant car tout semble assez policé, mais l’insistance est très mesurée donc cela reste assez anecdotique.

Vous l’avez compris, nous avons continué notre périple par le site de Petra, qui contient l’une des merveilles du monde : le trésor. Comme nous sommes arrivés en fin de journée à Petra, nous avons commencé par visiter sa petite sœur, bien moins large et préservée. Autant le dire tout de suite, c’est finalement ce que j’ai le moins aimé durant ce séjour. Bien sûr, c’est très beau, remarquable de finesse et de maîtrise … bien sûr, la pierre est magnifique … bien sûr, on ne peut être que muet face à la démesure de la tâche … mais il y a ce mais. Trop de touristes (pourtant, ça n’était pas blindé), trop de marchands ambulants, trop de mules et de chevaux, trop de chaleur, trop de marches … Je suis un mec sensible, ça m’a ôté la magie du truc. Vous allez me dire que je pourrais faire un effort et que j’arrête de faire mon difficile devant une des merveilles de ce monde, et vous avez raison. Quand je regarde les photos, je me dis que c’est quand même incroyable, mais sur le coup je n’ai pas trouvé ça « Whaou » … Peut-être m’attendais-je à trop … toujours est-il que la petite Petra n’a que peu d’intérêt et que la grande m’aurait suffit. En effet, cette version miniature est un couloir encadré par des étals proposant tous la même chose avec des vendeurs écrasés par la chaleur et le jeûne, tentant péniblement de vendre une Tour Eiffel en roche de Petra ou un Keffieh aux motifs Chanel made in China.

Alors, oui, on est admirateur l’élégance de ces résidences funéraires creusées à même la roche, avec des outils rudimentaires mais le contexte dénature franchement le site. Quant à la Grande Pétra, qui est bien mieux protégée, on déroule un tortueux corridor de pierre ocre pour déboucher sur le fameux trésor qui vous coupe le souffle, mais on est un peu écrasé par la perspective et la foule qui se masse devant. C’est cette impression d’être plaqué par la foule qui me reste, comme quand tu es en première ligne en attendant ton RER sur le quai …Et puis, en fait, moi je m’attendais à croiser Indiana Jones et Harrison n’a pas daigné montrer le bout de son fouet … Bref, je n’ai pas adoré même si j’ai trouvé ça beau, bien sûr.

A Petra, Baptiste s’est fait un copain
c’est quand même classe …
L’envers du décor

Bon, ok, je suis un peu asocial et il n’y avait pas tant de monde que ça … Petra, c’est une bonne journée de promenade avec un peu de dénivelé pour peu qu’on veuille explorer une bonne partie du site. Il est possible d’aller bien plus loin et de s’éloigner de la foule mais il faut alors y passer plusieurs jours. En attendant, on est rentrés bien crevés, notamment par les 800 marches permettant de rejoindre un sanctuaire surplombant le canyon. Un peu moins de monde, plus ouvert, finalement je crois que c’était mieux pour moi :D.

en s’éloignant des sentiers battus

Vu mon amour de la foule, je crois que nous avons bien fait de prendre la direction du désert de Wadi-Rum. Nous y avons passé 3 jours, dormant dans des conditions très confortables, avec le silence pour compagnon. J’avais déjà décrit cette attirance pour le désert dans un ancien post mais je renouvelle là mon éloge : c’est magnifique.

Marie étant épuisée par des nuits perturbées par une mauvaise toux, Elise et les grands-parents peu attirés par la perspective d’une rando de 6 heures dans les dunes et les pierriers, nous avons expérimenté avec Baptiste seulement le plaisir de la marche dans ce désert minéral. Heureusement, un léger vent nous a accompagné, allégeant la chaleur écrasante. Sentir les différentes textures de sable, commencer à se repérer au milieu de rien est une sensation étrange qui m’a fait mieux comprendre comment on peut vivre là. D’autant qu’il y a beaucoup à voir ! Les 4×4 sillonnent ce désert afin de permettre d’en découvrir la magie plus facilement, nous en avons aussi profité et les images parlent d’elles-mêmes …

Splendide et intense.

Les guides qui nous ont accompagnés tout au long de ce voyage ont été au diapason, avec discrétion et bienveillance, toujours disposés à partager leur coutumes et leurs sourires.

Le silence et les images du désert plein la tête, nous sommes ensuite partis pour un nouveau rendez-vous raté avec la Mer Rouge. Nous avions passé quelques jours sur la côte de cette mer en Egypte et on avait été très déçus, par le lieu et la météo. Là, nous étions à Aqaba, au confluent de plusieurs pays qui se partagent l’accès à cette mer stratégique pour les échanges commerciaux. Nous avions Israël à 200 mètres, l’Egypte en face et l’Arabie Saoudite à 20 kilomètres. La station balnéaire était … une station balnéaire ! Plus authentique que notre étape égyptienne, sans grand intérêt cependant, même si la météo couverte par une tempête de sable n’a pas aidé à en profiter. On a mis à profit ces deux jours pour aller plonger et essayer d’admirer ces fonds renommés, Peine perdue ! On ne va pas retenter, je crois que ce n’est pas pour nous ! Lors de cette petite sortie en bateau, à défaut de beaux poissons, on a pu observer l’attitude des touristes israéliens envers leurs voisins arabes. On va dire qu’ils ne font pas tout ce qui est en leur pouvoir pour se faire apprécier, loin de là ! c’est avec ce sentiment étrange que nous quittons Aqaba et la Mer Rouge pour nous diriger vers la dernière étape de notre voyage : la Mer Morte …

Nous avons joué à cache-cache avec elle en la voyant de loin depuis un moment et il était temps de faire enfin connaissance. Nous avons plongé la tête la première dans ses eaux chargées en sel qui empêchent d’ouvrir les yeux ou même de se baigner avec une blessure. Il est vrai que la sensation est incroyable et on se sent un peu comme un culbutto en équilibre très précaire. Pour une fois que je peux faire la planche dans l’eau, j’ai même pu la faire avec les jambes et les bras hors de l’eau … j’adore !

bon, ok, c’est pas moi, c’est Marie …

On a sacrifié au traditionnel bain de boue, qui, en dehors de nous donner un air ridicule, est censé produire des bienfaits incroyables au niveau de la peau … ça doit être mon esprit cartésien qui n’a pas adhéré car je cherche encore les avantages !

Au gré d’une sieste avec la vue sur la Mer Morte, en repensant à tous les paysages traversés et toutes les rencontres, je dois reconnaître que c’est un superbe voyage et que la période de Pâques est idéale pour le faire car il n’y fait pas trop chaud, ni trop frais. Je garderai précieusement les images du désert, comme un souvenir impérissable, mais la Jordanie est bien plus… infiniment plus.

Pour finir en beauté, Elise nous a concocté un petit film comme à son habitude. À très bientôt

One Reply to “Le royaume du désert”

  1. C’est beau, toujours pret pour le dessert Matth !
    Pour la boue a part nuire au maillots c’est bon pour les articulations ?
    Mme trés belles tenues pour votre retour en region parisienne
    bises

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