Ce film a été l’un de mes préférés étant ado. L’histoire de cet homme intimement lié au cirque, qui lâche une vie d’entrepreneur à succès pour redonner un sens à sa vie et trouve une leçon d’amour, m‘avait profondément marqué. Les images de l’Afrique, des chutes Victoria à la vie sauvage, parcourent ce film, est-ce ce qui a semé en moi ce désir de voyage ? Peut-être ? En tout cas, je n’avais jamais eu l’occasion d’aller en Afrique Subsaharienne, un vrai regret. Voilà pourquoi, quand nous avons rencontré Mariam, vivant en Tanzanie et nous vantant ce pays avec beaucoup de force, je n’ai pas hésité bien longtemps.

Il faut dire que, si vous êtes des lecteurs fidèles, vous connaissez l’amour de Marie pour les bêtes, j’avais donc une occasion en or de jouer l’époux attentionné, en annonçant à ma femme plusieurs safaris en guise de cadeau de Noël. Sa réaction est assez mesurée avec un Flip Flip triple salto arrière carpé jambes décalées chute pilée. Nous emmenons Elise bien entendu et, pour Baptiste, l’affaire est plus sensible. Nous lui avons proposé de faire ce voyage à Noël mais il n’a pas adhéré à l’idée, préférant venir au Liban pour retrouver amis et famille après quelques mois de solitude forcée, de par ses études de médecine. Il n’avait cependant pas compris que, du coup, nous ferions ce voyage aux vacances de Février, sans lui … Quand il a réalisé cela dans le courant du mois de janvier, sa réaction a été un peu moins aérienne que celle de sa mère, mais il a la vie devant lui pour vivre cette magnifique expérience.

Donc, à peine les cours terminés et grâce à quelques jours fériés supplémentaires, nous voilà partis pour la Tanzanie en transitant par l’Éthiopie, dans un voyage d’un peu plus de 6 heures. Le vol de nuit vers Addis Abeba se passe sans encombre hormis un certain agacement envers le comportement assez inconvenant d’une partie des Libanais de cet avion qui prennent clairement les hôtesses pour des idiotes, ce qu’elles ne manquent pas de combattre en étant à leur tour très désagréables. Malheureusement, ce type de comportement n’est pas unique au Liban et le racisme est une vraie tare de cette société. Les employés de maison sont très souvent originaires d’Afrique de l’Est ou des Philippines, les personnes noires ou asiatiques sont souvent considérées, de facto, comme au service d’une partie des Libanais dont l’attitude est hélas déplorable. Au-delà de ces considérations bien regrettables, nous sommes étonnés par la compagnie Ethiopian Airlines, très rigoureuse et efficace, éloignée de l’image que nous avions de l’Afrique.

L’arrivée à Adis Abeba est assez impressionnante puisque l’Ethiopie est constituée de hauts plateaux et la capitale est entourée de collines verdoyantes et de montagnes. Ça m’a donné des envies de découvertes à venir mais ce n’est pas le sujet du jour, puisqu’un nouveau vol de deux heures nous emmène vers Dar Es Salam en deux heures puis vers les Comores dans une deuxième partie du vol (première fois que je voyais cela dans un avion mais c’est plutôt une bonne chose pour rentabiliser ces trajets).

En route donc pour cet immense pays, au carrefour de multiples influences africaines, arabes et asiatiques, en bordure de l’Océan Indien, et presqu’en face de Madagascar.

Nous arrivons dans la capitale de la Tanzanie et nous sommes rapidement plongés dans le flot imposant de la circulation de près de 8 millions d’âmes. C’est une capitale grouillante, multi-confessionnelle (chrétiens et musulmans), où il faut faire un peu attention (mais comme dans la plupart des capitales du monde). On n’a pas vraiment le temps de découvrir cette grande ville, car le vol de nuit dans les pattes nous impose une bonne sieste qui reste sacrée dans la famille Schav ;). Par manque de temps, nous restons sur la petite corne de la ville où la vie est plutôt paisible, vraiment très jolie et facile d’accès, les gens y étant très chaleureux et à l’anglais parfait. Il faut dire que l’Éducation a été au centre du programme politique du gouvernement tanzanien depuis son indépendance en 1961, en décidant de garder la main sur la plupart des richesses du pays contrairement au voisin kényan qui a laissé les Européens bien plus libres d’exploiter les nombreuses ressources minières de cette partie du monde. Les multiples enfants en uniformes tout au long de notre périple, nous ont confirmé de cette priorité nationale. Il est évident que nous n’avons pas vu le vrai Dar El Salaam, mais nous n’en avions pas vraiment la possibilité car notre vol en direction du Kilimanjaro était le lendemain et, éducation ne rimant malheureusement pas avec absence de pauvreté, il n’est semble-t-il pas très raisonnable de s’aventurer seul dans cette ville, nous sommes restés sagement sur cette presqu’île pour mieux nous lancer avec enthousiasme à l’assaut des parcs au coeur du pays.

La petite presqu’île de Masaki nous permet cependant de commencer au mieux notre voyage et de nous familiariser avec un art local très naïf mais très populaire. Tout y est couleur et sourires. Nous consacrons notre matinée avant le vol à un petit marché et à la petite plage de Coco Beach, très sympa mais au panorama malheureusement un peu gâché par l’intense trafic maritime du port tout proche.

Nous prenons alors notre avion en direction du Kilimanjaro, au nord de la Tanzanie, où nous attendent deux safaris assez différents. Nous logeons dans une pension de famille puis le lendemain, John vient nous chercher à l’aube pour rejoindre le Tarangiré. Les coûts sont très élevés donc nous avons opté pour une solution un peu plus roots avec John Safari, un plan plutôt local obtenu par Mariam. D’ailleurs, au moment de réserver le Safari depuis le Liban, je me suis retrouvé dans un quiproquo assez drôle : John souhaitait un virement et ma banque me demandait une adresse en plus du IBAN … Hop hop hop, internet est mon ami et je contacte John Safari par email pour avoir son adresse.

« – Bonjour, je suis le mari de Marie, un pote de Mariam, on a réservé en février et j’ai besoin de votre adresse

– ok, pas de souci mais vous envoyez l’argent comment ?

– ben, je vous l’envoie par virement comme convenu

– ah, vous êtes sûr, c’est plus simple par OMT

– Non, c’est plus compliqué pour nous, tout se passe en cash ici au Liban

– Ah, vous êtes au Liban, mais vous êtes qui ?

– Euh, je vous l’ai dit, on est les amis de Mariam, bon elle en a probablement plusieurs mais nous, on fait deux jours avec vous. On peut revenir à la question de base : c’est quoi votre adresse ?

-Ben vous avez qu’à mettre Arusha, mais c’est mieux par OMT

-oui mais on a déjà vu avec vous et on vous fait un virement

-vous avez quoi comme RIB, car ça marche pas très bien les virements

– c’est xxxxxxxxx

– c’est pas ma banque ça !

– what ?? Mais vous êtes bien John Safari ?

– Ah oui, mais on est au moins 30 !

– Quoi ? Vous êtes 30 ? Vous vous appelez tous John ?

– John est très fréquent en Tanzanie

– Oui mais c’est pas très pratique. Vous pouvez aussi vous appeler Robert Safari, histoire de vous démarquer et de jouer un magnifique coup marketing : avec Robert Safari, vous sortirez vraiment du lot, on ne vous traitera pas comme n’importe quel John !

– Pas idiot, mais je m’appelle John

– Bon, laissez tomber, merci John et dites bonjour à John ! Au fait, John est aussi à Arusha ?

– Ah oui, on est tous à Arusha chez John Safari

– Purée, tous avec le même nom, dans la même ville, et sans adresse, je ne suis pas le cul sorti des ronces moi »

J’ai finalement mis Arusha sur mon virement, avec une petite appréhension, John Robert va-t-il recevoir son virement et ce voyage ne va-t-il pas courir au fiasco ? Au réveil dans notre pension, mes doutes sont levés et John Robert est bien là. Il nous emmène à Arusha puis vers le Tarangiré. Là, on s’étonne un peu car ce n’était pas le plan prévu. Nous devions initialement dormir en bordure du parc, dans une maison d’état pour les gardes forestiers, puis faire le safari le lendemain. Là, il nous propose de gagner un peu de temps pour faire une rando le dernier jour sur les contreforts du Kilimanjaro. C’est sympa John Robert, mais on n’est pas équipé, et, surtout, on a Elise qui n’est pas franchement dans le mood rando ! Tu serais pas en train de nous faire une petite optimisation de groupe touristique, mon petit John ? On s’étonne et on conteste, John nous bricole alors une autre proposition avec 3 safaris au lieu de 2. Ça sent vraiment le bidouillage mais ça nous va, et puis on est en vacances, alors … nous voilà sur les routes du grand parc aux Éléphants un peu plus tôt que prévu, à bord d’un 4×4 avec deux jeunes suédoises.

Notre premier contact avec la faune sauvage est impressionnant. Des éléphants partout, le plus souvent calmes, même si on vit une charge d’un d’entre eux agacé par l’orage naissant. Là, honnêtement, tu ne fais pas le fier quand un animal de 4 tonnes te fonce dessus, toutes oreilles dehors avec un barrissement menaçant. Heureusement, cela n’a pas duré trop longtemps, contrairement à l’attaque en règle des mouches tsé-tsé. On a pourtant essayé de se préparer en vêtissant des manches longues et surtout du blanc comme on nous l’a conseillé. Malheureusement, cela n’a pas suffit et, comme souvent, Marie a été la première cible de ces désagréables bébêtes. En plein milieu du parc, la voilà qui se met à hurler en se tapant les jambes et quand des tâches de sang commencent à apparaître sur son pantalon blanc : une vraie frayeur pour Elise et moi sans comprendre ce qui se passait !

attaque de mouches tsé-tsé … Marie ne se laisse pas faire ! Un cadavre de tsé-tsé au bout de son doigt

Au-delà de ces moments de violence, le parc Tarangiré est magique et éveille en moi beaucoup de douceur paradoxalement ( on est quand même entourés de fauves et de biestasses qui peuvent te tuer d’un coup de corne). Malgré cela, il règne une vraie paix et il est surprenant de voir les animaux rester paisiblement côte à côte … loin de l’image de ces chasses en groupe que j’imaginais. Et surtout les splendides baobabs ! Ça claque un baobab ! Quand tu le vois, tu te dis pas « tiens, je vais me faire un baobab » … ou bien, « je grimperais bien en -haut de ce baobab ». Non, un baobab, tu le regardes et tu te tais … ça inspire le respect et la paix !

Pour moi, l’animal qui illustre le mieux ce sentiment paisible est la girafe … En avez-vous déjà vu une courir ? On dirait voir un film au ralenti, alors qu’elle galope à plus de 50 km/h ! J’avais l’image un peu datée des girafes du zoo de Vincennes qui sont cools parce qu’on peut leur donner à manger par dessus l’enclos. Ça me faisait marrer quand j’étais petit … Quand je me lis en train de m’extasier comme ça, j’imagine la réaction de Marie, comme quoi elle avait raison, que les animaux, c’est super, et qu’on est vraiment débiles de ne pas avoir fait des zoos plus souvent et gnagnagna … Ok Marie, pour les girafes, je dois reconnaître que c’est un animal très gracieux MAIS quand elle a de la place pour s’exprimer, quand elle galope pendant un kilomètre pour venir me voir parce qu’elle me trouve particulièrement intéressant en terme de conversation macro-économique (oui, la macro-économie est un dada assez connu chez les girafes). Après quelques différents dus à une interprétation erronée d’Olaf sur l’apport de Keynes dans l’histoire de la pensée économique, on décide de se quitter malgré tout en bons termes, histoire de ne pas en rajouter sur le coup.

Après cette première journée de safari, on se retrouve dans un camp, disons, à la dure ! Des petites cahutes rondes charmantes, au style très local, avec des matelas qui me font craindre le pire mais la nuit a finalement été bonne, d’autant que j’ai dormi seul car Elise était peu rassurée. Sanitaires collectifs, à l’hygiène brousse, avec en supplément les moustiques nourris au sang de zèbre donc des monstres … Repas correct et petit spectacle de chants et danses tanzaniens atténuent un peu la mauvaise surprise initiale, mais je reste encore avec le souvenir hilare de deux jeunes allemandes de 15/16 ans en voyage « social » qui ne connaissaient personne (pas même entre elles) et qui erraient comme des âmes en peine à l’entrée du camp pour se remettre de ces conditions spartiates.

Je retrouve tout ce petit monde au matin, avec la tête de gens qui ont passé une nuit difficile alors que j’ai très bien dormi, mes rêves peuplés de discussions enflammées avec Olaf sur la magnificence du Tarangiré et de ses multiples baobabs. En attendant notre nouveau guide et son 4×4, nous patientons tranquillement en nous délectant de la vue incroyable sur le Rift qu’offre le camp, perché sur un impressionnant précipice de 200 mètres surplombant la vallée.

Vue sur le lac Manyara et le Rift

Notre deuxième safari a lieu au Ngoro Ngoro. C’est un ancien cratère dont le relief isole naturellement toute la faune qui y vit. La végétation est très différente de ce que nous avons vu et rend cette seconde excursion vraiment incroyable.

Le cratère du Ngoro Ngoro

Le panorama est superbe, les animaux sauvages sont présents à foison et on s’est débarrassé des mouches tsé-tsé cette fois. En revanche, à nous les lions, les zèbres et les très agressifs hippopotames ! On a même vu quelques rhinocéros de très loin. Le lieu est magique, il n’y a rien à dire, on est sous le charme. Cela surpasse sans aucun doute le Tarangiré, bien que les deux soient très beaux.

On passe la nuit dans un hôtel bien plus confortable et sans moustique, avant de nous rendre dans ce parc moins connu, en bonus par rapport à notre programme initial, le parc du lac Manyara qui est connu pour ses lions qui grimpent aux arbres. Nous n’avons pas vu ces singuliers animaux mais ce parc est vraiment très beau et différent à nouveau. Ici, c’est le règne de la jungle et des singes. Les éléphants font aussi partie du décor au bord du lac salé qui grignote petit à petit le marais et la forêt dans un décor de cinéma.

Le tout est très varié et clôt à merveille notre périple autour du Kilimandjaro. Ça nous a donné envie de revenir pour explorer les parcs que nous n’avons pas vu comme le fameux Serengeti mais aussi de monter sur le point culminant de l’Afrique à plus de 6000 mètres. On n’est pas forcément au point physiquement mais cela doit être assez incroyable vu de là-haut (quitte même à redescendre en parapente en évitant de se poser au milieu des lions).

légendaire Kilimandjaro depuis la pension de famille

Découvrir aussi le mode de vie des guerriers Masaï qui sont si respectés et omniprésents dans leur grande tenue colorée serait un vrai bonheur. En tout cas, ces quelques jours dans les parcs ont été vraiment bouleversants et nous quittons avec regret la région d’Arusha pour revenir sur le littoral et l’île de Zanzibar.

Vous connaissez mon appétence pour la plage et la désagréable sensation du sable et du sel qui colle à la peau. Si vous ajoutez à cela l’absence complète d’une ombre sur la plage, vous obtenez un Matthieu grognon qui cherche à fuir au plus vite le lieu pour un espace un peu plus adapté à sa magnifique peau mate.

On atterrit donc sur cette île aux influences beaucoup plus arabes, architecturalement mais aussi vestimentairement. Zanzibar a été longtemps occupé par Oman (notre prochaine destination l’an prochain) et son empreinte est restée durablement visible. Nous avons opté pour la côte est de l’île, même si ce choix a surtout été dicté par les hôtels disponibles … Zanzibar est touristique et on s’y est pris un peu tard. Nous ne regrettons pas notre petit hôtel, lové au milieu d’un village et engagé dans une démarche éthique, avec un partage de la plage qui sert accessoirement de terrain de foot pour les enfants du village.

la plage du sud de Jambiani, à l’heure du foot

Nous passons 4 jours remarquables sur cette île, entre douceur de vivre, balades sur la plage, baignades dans une eau azur, promenade en bateau traditionnel pour les filles, découverte dela capitale Three Corners . La plage est un enchantement, d’un sable blanc en ayant pied sur des centaines de mètres dans une eau transparente. Nos longues balades étaient accompagnées par les deux adorables chiens de l’hôtel, que nous avons affectueusement baptisé Kili et Mandjaro.

Marie se multiplie

Même un Matthieu grognon ne peut rester insensible au charme redoutable de cet endroit, d’autant que Three Corners a aussi beaucoup de charme avec son architecture au confluent de tant de civilisations, ses couleurs, ses fleurs et ses odeurs . Nous avons aussi pu admirer les chants traditionnels très particuliers aux multiples sonorités et aux sourires constants et partagés. C’est notre dernière soirée en Tanzanie et on ne pourrait trouver une meilleure conclusion : douce et belle. C’est le sentiment qui nous anime tous les trois après un voyage qui nous a beaucoup marqué. de par la tranquillité des gens, la beauté des paysages et des parcs et la douceur de la vie.

Le voyage du retour marquera une transition assez brutale. Avec un souci global entraînant un retard sur notre correspondance d’Addis Abeba, nous nous retrouvons à devoir embarquer en passant directement par le tarmac. Tout ceci bien sûr avec un seul responsable essayant d’aiguiller les 300 passagers entre plusieurs bus . L’incompréhension mêlée au non-respect des consignes par les passagers du vol vers Beyrouth, nous ramène violemment à notre réalité, même si nous finissons par attraper notre avion. Le bazar sans nom qui entoure cet ultime trajet contraste avec la tranquillité et la beauté qui a accompagné cet itinéraire d’un enfant gâté, des images plein les yeux. À très vite.

pour finir joliment, le traditionnel film d’Elise

One Reply to “Itinéraire d’un enfant gâté”

  1. que de violence envers les mouches.
    c’est bien jolis comme coins mais cela manque de bière.
    bravo Élise aucune blessure …

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