Et de 13 …

Pour ceux qui l’ignorent, j’ai un sens de l’orientation déplorable … au point que mes élèves, lors d’un voyage à Montréal, me demandaient où était la prochaine visite et partaient à l’exact opposé (bande de petits cons … mais c’était drôle ! ). On peut dire que ce sens défaillant est comparable à celui du capitaine du CAP Jackson qui a mis 15 jours pour sortir du canal de Panama avec notre container dessus ( pourtant, je suis sûr que c’est pas compliqué le canal de Panama, c’est un couloir bordel !!) . Du coup, quand on a changé de AirBnB il y a une semaine, pour y rester un mois en attendant que le capitaine retrouve son chemin et que nos meubles soient enfin livrés, j’avais investi le quartier.

Mon petit café, au chocolat chaud excellent. La boulangerie Paul avec ses croissants et pains au chocolat délicieux et abordables… J’avais commencé à m’y faire, d’autant que j’ai repris le chemin du boulot (dans le volet formateur pour l’instant) et que j’ai pris l’habitude de le faire à pied, profitant des charmes et contradictions de cette ville. Quel bonheur de découvrir ce bel écrin au milieu de l’incroyable mélange des genres libanais. Le Collège, comme on l’appelle ici (le vrai nom est Collège Protestant Français), est l’un des 4 grands lycées français de Beyrouth. Il est le plus riche et le mieux doté, avec le lien le plus fort avec la France. Les installations sont somptueuses, même si l’explosion a abîmé durablement la piscine avec des fenêtres qui doivent revenir de France, norme européenne oblige. Pour le reste, c’est assez impressionnant en venant des locaux étriqués de SF même síl n’y a pas d’élèves puisque la reprise sera le 17, en distanciel probablement jusqu’au 28, rien n’étant fixé encore.

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Alors, c’est certain, j’arrive dégoulinant au lycée car la chaleur est toujours là avec un 30 degrés minimum … C’est l’humidité étouffante surtout qui nous étreint, la moyenne étant autour de 70%, histoire que vous compreniez combien ça peut être pesant. C’est très exceptionnel et la clim est indispensable pour tenir le choc. C’est là qu’on a pu expérimenter les déboires libanais car la chaleur a fait sauter le transformateur électrique du quartier. Du coup, les coupures d’électricité ont été constantes, faisant rejaillir le spectre des coupures de 21 h au plus fort de l’été. Il faut dire que c’est le plus évident manque de gestion du gouvernement libanais qui n’a jamais pu trouver une solution à la hausse de population, se délestant sur les solutions individuelles. Chaque immeuble cossu a donc deux ou trois générateurs, fonctionnant au fuel et donc entretenant une spéculation, voire du marché noir, sur cet élément essentiel à la vie beyrouthine. Notre AirBnB était dans un vieil immeuble, et donc nous devions jongler entre les coupures de l’électricité d’état et l’incapacité du générateur du quartier à fournir de l’électricité pour tout le monde.

Résultat : 3 nuits d’enfer à près de 35 degrés derrière les grandes baies vitrées donnant sur la terrasse. Le premier matin, je me suis levé en découvrant mon Élise en plein milieu de la cuisine, allongée sur le carrelage à la recherche d’un semblant de fraîcheur depuis le milieu de la nuit.

Marie a, elle, passé ses nuits les jambes en l’air pour essayer de contrer les effets de la chaleur. Parmi les dommages collatéraux, la perte du wifi et la nécessité de recharge ont transformé notre café préféré en station mobile.

Par conséquent, Marie s’est mise en quête d’un nouveau logement pour tenir un mois, l’arrivée du container étant prévue pour le 2 octobre à présent. Elle nous a dégotté un logement dans le quartier de Al Kantari.

On s’éloigne du lycée mais on y gagne en confort, d’autant que le proprio est un architecte réputé.

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Il prétend reverser tout le loyer à une ONG qui vient en aide aux sinistrés et démunis (même si on ne le saura jamais, c’est un geste qui nous touche …). Il n’a pas été simple de quitter l’autre AirBnB car le proprio s’est démené pour tenter de rendre les conditions supportables mais ce n’était plus possible, d’autant que cette chaleur constante met à mal ma polyarthrite. Il est clair qu’on sera bien mieux ici en attendant notre vrai chez nous, on l’espère, car déménager toutes nos valises est chaque fois plus pénible.

L’avantage que nous y voyons, c’est que cela nous permet de découvrir de nouveaux quartiers et d’accélérer notre connaissance de cette ville complexe. C’est un délice de se perdre dans les ruelles tortueuses, où chaque recoin recèle d’une curiosité comme ces ouvriers évoluant à 50 mètres de haut sans aucune sécurité, fascinants d’aisance…

Comme je me paume régulièrement en me déplaçant à pied, Google Maps en main, cela décuple les moments cocasses ou déroutants. Les hommes armés sont légion ici, ils montent la garde devant chaque ministère ou ambassade comme chez nous, mais aussi devant tout logement d’un homme politique important ou chef de parti. Vue la situation politique du Liban, ça fait du monde !! Chaque coin de rue d’endroit sensible possède donc sa guérite, sa barrière levée et ses soldats. Les barrières restent levées, parfois bloquées par la rouille tant elles ne servent à rien, et les gardiens sont affalés à des tables, aussi attentifs que des cancres après 3 heures de leçon magistrale.

Du coup, on apprend à vivre avec ces hommes en arme, ce sont juste des vigiles armés de kalachnikovs chargées, on s’habitue à tout … comme à ces montagnes de verre soigneusement empilées qui rappellent une catastrophe qui nous semble si loin, même en nous rapprochant du port.

Cette ville joue avec les apparences, mêlant de manière indistincte les pauvres et les riches, les religions, les engagés et les désabusés avec une haine commune de leur gouvernement, et tous ces clivages qui nous échappent encore. Nous sommes en phase d’adoption mais on se sent bien. Les enfants ont hâte de reprendre l’école mais ils ont déjà tissé des liens et ont des emplois du temps chargés, entre baptême de plongée, remise en forme et action de déblaiement des quartiers défavorisés pour Baptiste et baby-sitting et découverte de la ville entre copines pour Elise. Il nous reste du temps le week-end pour sortir de la ville et nous extirper de l’agitation frénétique de Beyrouth, comme ce jeudi où nous allons découvrir Byblos avant que je passe 3h30 à surveiller le bac. Marie et Baptiste auront la chance d’explorer cette ancienne capitale phénicienne à une heure de Beyrouth, pendant que je bosse … Dimanche, direction Tripoli, tout au nord du Liban, avec pour objectif de se prélasser sur une île pendant que Baptiste valide son initiation de plongée.

Sinon, nous continuons d’arpenter la ville avec Marie pour déchiffrer où on trouve quoi (déco, alimentation, électroménager, l’exploration de centres commerciaux avec la clim’ à ciel ouvert …) et à l’affût d’appartements à louer qui réunissent tous nos critères (pourtant simples : grand, beau et pas cher).

À n’en pas douter, il va falloir se perdre encore beaucoup pour comprendre mieux cette ville, mais , pour ça, vous pouvez me faire confiance, je fais ce qu’il faut !

À très vite