Ça fait maintenant plus de 3 semaines qu’on est là et on prend confiance, on est moins vigilant, alors on commet des erreurs… C’est ce qui m’est arrivé avant-hier, j’ai été négligeant. Et oui, la connerie et, en plus, en toute conscience. Je me suis pris pour un costaud, pour un gars qui est au-dessus des autres. Du coup, je le paye depuis deux jours et je m’en mords les doigts. C’est fou comme une petite erreur comme ça peut entraîner un tel déchaînement gastrique… Et oui, j’ai bu l’eau du robinet. Quand on voit ces bidons en plein soleil, jamais désinfectés, on sait au fond de soi que c’est pas très malin. On se dit alors que nos intestins sont plus forts qu’une petite gorgée alors qu’on a la flemme en pleine nuit de chercher à tâtons les bouteilles d’eau salvatrices. Faut dire qu’avec tous ces changements de lieux, c’est pas évident de s’y retrouver, et moi, avec mon sens de l’orientation, j’ai du mal à retrouver la cuisine. Pour ma défense, on a à nouveau changé de AirBnB (et de 14…) car le proprio du 14ème pratique la sous-location sauvage … et le locataire est revenu ! On est donc descendu d’un étage avec un appart un peu plus petit, un remboursement de 1000$, mais constitué de 3 studios autour d’une salle commune. Heureusement, Baptiste avait décidé de ne pas défaire ses valises, enfin presque …

Rangement brownien … 😉

Résultat : des frigos partout, autant de cuisines, de salles de bains et de raisons de se perdre ! En parlant d’erreur, il y a un concept qui me semble libanais et qui n’a pas franchi les limites de ce petit pays : les poignées carrées, et si possible placées assez près du chambranle de la porte pour tout simplement t’empêcher d’ouvrir la porte sans te péter 3 doigts.

Mais comment est-il possible d’inventer un concept pareil ? Ceci dit, ça ferait fureur dans un établissement masochiste ! Chaque poignée est accompagnée de son petit impact dans le mur avec des traces de sang et les échos de milliers de jurons qui résonnent … ah les cons !! Vous voyez que j’ai plein de bonnes raisons d’avoir bu l’eau du robinet … c’est pas complètement ma faute ! Le souci, c’est que quand je cherche avec empressement les toilettes, il me faut anticiper 30 secondes avant, pour éviter , dans la précipitation, de laisser mes doigts entre poignée et mur, ça rajoute un stress bien inutile.

Sinon, pour pallier à tout ça, on a profité de cette période sans école pour aller tout au nord du Liban avec un couple de collègues Jacques et Marjo et leur fille Plume (on a appris depuis qu’on avait pas complètement le droit, zone rouge oblige), sur une île au large de Tripoli, où Baptiste a pu faire son baptême de plongée.

L’ambiance est différente de Beyrouth, les femmes se baignent en hijab, la Syrie est à 15 km … Cela ne nous empêche pas de profiter des autres participants libanais à la sortie, francophones et francophiles.

L’eau est cristalline, la température de l’eau incroyable, l’environnement saccagé par la pollution de la Méditerranée … Sentiment mitigé mais journée sympa malgré tout.

Dans le port de Tripoli

On avait loué une voiture pour aller dans cette ville à 1h20 de Beyrouth et on a réalisé notre erreur en rentrant vers 17h le dimanche soir. Une grande partie des Beyrouthains fuient l’agitation de la ville durant le week-end, et du coup, la route côtière se transforme en un gigantesque embouteillage, ce qui double les temps de parcours. Jusque-là, la conduite libanaise m’avait plutôt séduite, avec son utilisation permanente du klaxon, à vocation de prévention non agressive, l’absence de concept occidental de voie de circulation, l’inutilité complète des rétroviseurs et une interprétation très personnelle du code de la route.

En conduisant le matin, j’avais l’impression de jouer à Mario Kart, à la seule exception de me retrouver avec des véhicules à contre-sens, des cyclistes et piétons sur la piste, et des scooters venant de nulle part. Pas facile de gagner dans ces conditions, surtout quand quelques minibus roulant à tombeau ouvert te doublent par la droite, ce qui serait au delà de la bande d’arrêt d’urgence chez nous, en coupant 3 « voies » et en frôlant tous les véhicules se trouvant sur leur trajectoire. Malgré ces sueurs froides , j’ai adoré car c’est plutôt cool comme conduite et finalement plus facile qu’on imaginait. En revanche, lorsque les bouchons arrivent, c’est la jungle !! On passe à 6 voies quand il y en a 3 normalement, le dépassement par la moindre place à droite ou à gauche devenant la seule solution pour gagner 3 minutes. On joue le jeu pour se fondre dans la vie locale mais c’est moins rigolo comme conduite. Si mon beauf n’avait pas abandonné la conduite pour une morne attitude éco-citoyenne, j’aurais pu faire des blagues redondantes et rigolotes mais il me coupe l’herbe sous le pied, le fourbe …

une deux voies

C’est lui, qui, le premier m’avait mis le pied à l’étrier de Waze, mon app favorite qui se transforme en un enfer ici … Tout d’abord, les rues n’ont pas de noms, enfin si, mais personne ne les connaît. Dans la plupart des rues, elles sont même remplacées par des numéros qui n’intéressent personne. Donc pour te repérer, c’est le palais de machin, la mosquée truc, le magasin bidule, … Autant vous dire que Waze nous fait bien marrer avec les repères qu’il donne, parce qu’en plus, tout est écrit en arabe, sauf les grands axes qu’il te fait soigneusement éviter car ils sont bondés. Je suis un visuel donc le surlignage en bleu me suffit. Sauf que Waze ignore que les libanais ferment des routes avec des militaires, barrières et barbelés. Et me voilà contraint de revivre un douloureux épisode hawaiien dont Marie et les enfants me refont l’historique régulièrement. Heureusement, j’étais seul dans la voiture, tentant péniblement de rallier l’agence de location de voiture dans une rue à sens unique, et le militaire libanais est autrement plus souple sur les véhicules forçant les barrages que le bidasse US. Le gentil militaire a même failli me proposer de prendre le volant, mort de rire en voyant que j’utilisais Waze … J’ai tourné pendant 45 minutes en repassant 5 fois à 50 mètres de l’agence Avis mais n’osant jamais la prendre à contre-sens malgré l’exaspération. J’ai bien fait car c’est quand même la fin d’une bretelle d’autoroute (libanaise, certes … ), maugréant que ça n’aurait pas arrêté mon beauf. J’ai fini par me garer et aller à l’agence à pied pour leur demander comment accéder à leur fichu parking, le mec terminant en sang après avoir commencé par « ah, c’est facile ». Waze est définitivement une erreur ici . Les enfants ne jurent que par Google Maps, moi je dis, on y va à l’instinct, ce qui n’est pas toujours bon signe en fonction des inspirations.

Le plus simple est encore d’utiliser un taxi si tu arrives à lui expliquer où tu veux aller, ce qui donne toujours des moments savoureux, faits de gestes et de quelques mots anglo-arabes baragouinés. Les rencontres sont souvent très chouettes, les français étant très appréciés ici, et Macron un Dieu vivant. Hier, on a eu comme chauffeur Mohamed Zidane, qui a passé son temps à s’excuser de ne pas parler anglais, en répétant sans cesse la même destination dans Ashrafieh mais qui n’était pas l’endroit où nous voulions arriver. Comme toujours ici, on se débrouille et ça finit par le faire, chaque piéton étant interpellé pour aider.

On a pris un taxi francophone cette fois pour nous rendre dans l’antique Byblos, la matinée précédent ma surveillance de l’épreuve de SVT du bac pour les candidats libres. Le vieux village a été très bien conservé et est vraiment mignon, même si les souks n’en sont plus vraiment.

En revanche, le site archéologique est dans son jus, un vrai trip pour amoureux de vieilles pierres, le plus ancien endroit au monde habité sans interruption. Pas l’idéal de le faire en plein été par 35 degrés à l’ombre, en chemise et pantalon mais on reviendra avec certains d’entre vous 🙂

Une pensée pour Elodie et Francis

Le soir même, le port de Beyrouth brûlait, un ouvrier ayant fait des étincelles auprès d’un entrepôt de pneus et huile. Les gens ont évidemment paniqué, et nous ont plongé dans l’inquiétude entre les feux de Californie et les vapeurs toxiques qui ont envahi la ville ici.

Étrange similitude, entre erreur et malheur, de nos deux endroits d’adoption.

Nous continuons d’arpenter la ville au gré de nos recherches d’appartement et des démarches administratives pour faire inscrire les enfants au lycée. En effet, le brevet libanais est indispensable pour poursuivre en classe de seconde. Il nous faut une triple justification pour Elise comme Baptiste, avec les complications liées à leurs scolarité américano-française. On n’est pas le cul sorti des ronces …

Ces méandres administratifs se confondent avec l’architecture de la ville que nous découvrons avec délectation, entre modernisme incontrôlé et une authenticité qui mériterait d’être bien plus protégée.

Une chose est sûre, on se sent bien ici et nous trouvons ce que nous imaginions, un meli-melo de vies, de confessions, de quartiers à la fois étourdissant, fatiguant et si dépaysant.

L’avenir nous dira si on se trompe, mais il nous semble qu’au bout du compte, venir ici n’était pas une erreur. On espère juste pouvoir enfin nous poser dans notre appart définitif ce qui devrait être l’objet du prochain blog. À moins que la vie, si imprévisible ici, me donne l’occasion de vous raconter une autre histoire …

À très vite

7 Replies to “Cherchez l’erreur”

  1. On sent un peu plus de légèreté dans ce post, plus de plaisir aussi, voire même de soulagement… surtout après avoir bu de l’eau du robinet et avoir fini sur la cuvette!!🤣
    La conduite locale vous change sans doute il suffit d’acheter une bonne voiture qui ne craint rien, et ça passe facile!
    Encore de jolies photos et de jolis paysage… je vous suis dans vos valises…
    bises à la famille
    Manu

    1. Merci pour ce joli jeu de mot Manu !!
      J’adore ! J’espère que tu n’es pas dans la valise de Baptiste !!!
      J’espère Que tu pourras nous montrer en direct comment conduire ici prochainement
      À plus et bises à tous

  2. Retour au mode kossovar … cela va être sympa avec un container qui arrive, je vous conseille de vivre dedans cela simplifiera la chose.
    A quand l’achat d’un bon gros hummer comme cela tu fais ta file
    Bon courage pour la suite des visites derriere la perte aux poignées carrées afin de soulagement, autre l’eau attention aux glaçons et aux legumes laves (experience vécu)

    1. Bonne idée le container ;), on gagnera du temps 😀
      Pour le Hummer, pourquoi pas, histoire de faire nos gros ricains ! On nous a bien proposé une Audi Q5… dans un pays où la grande expédition fait 250 km !

  3. Quel plaisir de vous lire et de constater combien vous vous acclimatez au monde méditerranéen. Nous aussi depuis Lagny sur Marne (un cran en dessous en matière d exotisme antique que Byblos, je l’admets volontiers), nous avons des pensées émues à vous savoir là bas. Je donnerai cher pour troquer ma rentrée plan plan pour la vôtre !

  4. Que de péripéties ! J’aime ton récit, mélange de frivolité et de gravité, avec beaucoup de résignation mais tout ça décrit avec une tonne d’humour ! C’est vraiment très rafraîchissant !!!! Merci Matt. Plein de bisous à tes compagnons de route (non, pas les taxis, mais ta douce et les loustics).

  5. Merci pour ce moment de lecture que je fais à voix haute pour Isa. Ca la fait voyager depuis son lit.
    Il doit bien avoir une raison a cette poignée carrée, je vais chercher …

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