C’est sûr que ce titre n’est pas très original, mais ça colle tellement à la réalité de cette île qu’il ne sert à rien de faire le mariole, autant faire dans l’efficace car j’ai quand même une rentrée à préparer.
Nous avons profité de l’ouverture de la compagnie low-cost French Bee à l’été 2018, qui fait Paris-Tahiti avec un stop à SF, pour envisager de réaliser mon rêve de gosse de fouler le sol de cette île mythique. Quand je parle de renommée, il n’est pas question des chants de Vaiana (pour votre gouverne, dans la version US, c’est Moana, un peu de culture ne nuit pas … j’aurais pu écrire un petit jeu de mot avec « ne nui pas » mais je ne suis pas certain de m’adresser à des gens maîtrisant les subtilités géographiques tahitiennes à ce stade de l’article, donc j’ai sagement décidé de m’abstenir), mais de l’esprit polynésien qui a bercé mes rêves d’ado à la suite de la lecture du Géo numéro 82 de décembre 1985 …

La magnifique jeune femme en couverture n’y est probablement pas pour rien (Moana ne peut pas lutter !), mais cela faisait partie de ma Bucket list (liste des choses que l’on rêve de faire), au même titre que le Bouthan ou le Pérou, les cités d’or sont passées par là… Je ne vous ferai pas le plaisir de vous fournir l’image de cette splendide vahiné, je vous laisse surfer sur le web pour la voir de vos yeux vu. Sachez juste que j’ai trouvé le fallacieux prétexte de la visite de cette île paradisiaque pour pouvoir la retrouver, et , afin de simplifier mes explications, j’ai décidé de lui donner un petit nom, elle s’appellera donc Agathe.

Mon plan est machiavélique, je décide de noyer le poisson (et il y en a pas mal à Tahiti, donc c’est du boulot !) en lançant Marie sur un plan qui occupera une bonne partie de son attention : « et si on faisait un échange de maison ? ». Alors, certes, elle n’est pas tahitienne, elle n’a pas constamment une couronne de fleurs dans les cheveux, elle n’a pas les yeux vert d’eau mais elle est tout aussi belle et d’une efficacité redoutable. Après quelques échanges, elle nous trouve une famille au top (à sa décharge, il est quand même plus facile de proposer un échange de maison quand on vit à SF qu’à Fublaines). La maison appartient à une ortho, ça donne confiance. Mon seul doute : on risque de ne pas être à côté d’Agathe car la maison est au bord de la mer (ça , c’est pas un scoop car tout est au bord de la mer à Tahiti) , mais surtout dans un tout petit bled de Taharuu, bien peu peuplé, tout au sud de l’île.

Pour maximiser mes chances, je demande à Alain, mon beau-père, de me prêter main forte pour trouver Agathe car je découvre qu’il a lui même, en sa possession, ce numéro 82 en quintuple exemplaire et qu’il a réalisé la généalogie complète d’Agathe. Ça ne fait pas un pli, j’ai affaire à un spécialiste ! Ni une ni deux, les voilà du voyage (on ne pouvait pas décemment laisser Françoise, ma belle-mère, à Saint-Maur, ça aurait paru louche donc on la joue malin avec Alain et on propose un voyage en famille… on a même failli avoir FX quand il a su pour Agathe mais son échec à la retrouver dans un séjour précédent était trop vif pour qu’il puisse retenter le coup).

Bref, nous voilà partis pour SFO le vendredi soir, la dernière sonnerie du lycée en 2018 à peine retentie. Le vol est de nuit , on va encore morfler car c’est impossible de dormir correctement dans un avion (si si … je trouve le moyen de me plaindre 🙂 ). Et puis, comment dormir quand je sais que je vais retrouver Agathe ? Enfin ! 30 ans après ! Afin de bien passer inaperçus, on y va en même temps que Céline et Guy, nos amis-collègue d’EDC qui sont venus vivre 2 ans à SF et qui vont retrouver le frère de Céline installé avec sa femme à Papeete depuis 3 ans. Quand je dis « inaperçus », il y a quand même une grosse prise de risque car ils ont des filles de 6 mois et 5 ans et ça, ça n’est pas toujours une bonne nouvelle en avion. Tout se passe finalement très bien et on arrive frais comme des Agathes à l’aéroport de Faaa (non ça n’est pas une faute de frappe…). Nous sommes accueillis merveilleusement par Fanny et dans la pure tradition tahitienne, de quoi être tout de suite dans l’ambiance.

Une fois les formalités remplies, nous partons avec nos deux voitures de location pour la maison de nos hôtes et nous découvrons une jolie demeure, au milieu d’un agréable jardin avec manguier, fruits de la passion et des fleurs partout. La chaleur est accablante, nous sommes en pleine saison des pluies qui est aussi la saison la plus chaude. On se prend d’ailleurs une averse a failli me défriser et qui sera finalement l’une des seules des deux semaines de notre séjour à Tahiti (le dérèglement climatique ?). Les proprios sont très sympas et nous prenons le temps d’échanger un peu avant qu’ils ne partent pour se rapprocher un peu de Papeete, leur vol pour SF étant le lendemain. On part voir la plage à 200 mètres à pied, sauvage et déserte mais malheureusement, pas d’ombre (une vraie plage selon St Matthieu est une plage ombragée) et, surtout, Agathe n’est pas dans le coin, ni même sa cousine. Je me console avec une petite démonstration de pirogue (c’est plus facile à regarder qu’à pratiquer) et un premier requin qui vient à 2m du bateau.

La maison s’avère très confortable même si nous avons très chaud et que la seule clim va être un enjeu stratégique pour les nuits à venir. Il nous faut prendre soin du chat qui est assez adapté à ces températures.

Au niveau gastronomie, nous goûtons tout ce qui est disponible avec du poisson frais, des fruits vendus au bord de la route et les légumes locaux. Un pur bonheur ! Les gens sont d’une gentillesse et d’une douceur absolues, affables et accueillants, ce qui marque une différence assez nette avec notre expérience sur l’île d’Oahu à Hawaii. La vie n’est pas particulièrement bon marché de ce que nous en voyons mais ça reste tout à fait raisonnable et très loin des standards de SF. Nos hôtes vivent à 4 sur un seul salaire d’ortho, ça me donne des envies de dispo ! D’autant que ça me donnera plus de temps pour chercher Agathe car, sur ces premiers jours, nous ne chômons pas avec un emploi du temps pris entre visite de Papeete (rien d’extraordinaire pour ne pas dire moche), repas chez Fanny et Bertrand en compagnie de Céline et Guy, découverte de l’un des plus beaux points de vue de Tahiti en allant boire un coup à l’hôtel Intercontinental (effectivement vraiment très joli) et notre préparation du départ vers Mo’oréa.

En effet, lors de ses recherches généalogiques sur Agathe, Alain avait eu une info par les mormons de Tahiti (encore l’église de Jésus des Saints des derniers jours décidément très présente partout où on passe) qu’elle aurait peut-être déménagé sur Mo’oréa … Nous voilà donc partis aux aurores, pleins d’espoir, pour prendre le ferry du matin du 24 décembre, au milieu de tahitiens chargés de cadeaux, prêts à réveillonner en famille. La traversée est très rapide, environ 45 minutes pour parcourir les quelques kilomètres qui séparent les deux îles.

Mo’oréa est réputée pour ses plages et ses fonds marins remarquables. Nous séjournons 3 jours dans une pension de famille assez simple mais confortable située à 50 mètres au-dessus de la route ce qui lui donnait une vue imparable sur la mer et le coucher de soleil. Au grand désespoir de Françoise, pas un supermarché ouvert (peu de supermarchés tout court) cette veille de Noël si ce n’est un bouiboui bien peu adapté pour se faire un repas de Noël digne de ce nom. On va donc manger au restaurant plus que prévu mais les restos sont de très bonne qualité même si les prix sont ceux qu’on peut imaginer sur une petite île …

vue de notre pension

Pour ma part, j’ai moins profité de Mooréa car j’ai hyper bien simulé une grippe, avec de la fièvre et tout, afin de concentrer mes recherches sur Agathe au calme dans mon lit. Les quelques moments sans fièvre m’ont tout de même permis de permis d’arpenter l’île avec toute la famille, entre balade en kayak, promenades et tentative de randonnée.

Nous avons aussi nagé avec des raies au milieu des requins à pointe noire. Très honnêtement, ce n’est pas hyper rassurant comme bêbête, surtout quand ils plongent leur regard dans le tien … Tu te sens comme un bon petit hamburger de chez Shake Shack devant une file d’ados sortant d’un entraînement de rugby .

Nous avons fait le plein de produits locaux en visitant le lycée agricole et la production de jus de fruits Rotui , du nom du point culminant de l’île, dont les fantastiques jus d’ananas. Un pur délice ! Le retour vers Tahiti approche sans que nous n’ayons pu mettre la main sur Agathe, pourtant, l’île n’est pas grande et assez peu peuplée. Il est impressionnant de noter combien Moorea a changé en 30 ans mais cela reste très agréable avec peut-être 20000 habitants. Il est vrai que les deux baies d’Opunohu et de Cook sont deux merveilles qui attirent les touristes du monde entier, sans parler des plages de sable blanc contrairement à Tahiti.

culture d’ananas au pied du Rotui
pas de moi la photo mais pour vous montrer les 2 baies 😉
baie de Cook

On a interrogé tous les anciens, tous les sages, pas d’Agathe sur Mo’orea … Alain proteste vigoureusement en affirmant que les mormons devraient s’autoriser l’alcool, ça justifierait les fausses infos. Nos recherches nous amènent à découvrir un phénomène purement polynésien. Nous sommes en effet frappés du nombre d’hommes très efféminés à Tahiti, qui sont appelés « mahu » (les hommes douceur). Ils/elles travaillent très souvent dans l’hôtellerie et la restauration où leur acceptation est plus aisée. Ils sont acceptés par la société tahitienne mais restent à la marge. Une des explication viendrait de la tradition polynésienne qui fait que le premier né, garçon ou fille, est élevé par la grand-mère, et doit aider aux tâches ménagères. Agathe n’est pas à chercher de ce côté-là mais il est vrai que voir ces grands gaillards maquillés surprend quand on ne s’y attend pas.

Une fois de retour sur Tahiti, nous nous mettons à arpenter les deux parties de l’île, Tahiti-Nui, la partie principale, puis Tahiti-Iti, sorte de presqu’île qui lui est attachée. Tout y passe : les spectacles de danseurs traditionnels, la traversée de la vallée de la Papenoo en 4×4 où vivaient autrefois les tribus tahitiennes avant l’arrivée des missionaires, le trou du souffleur où la houle crache des gerbes d’eau, la prairie au coeur de Tahiti-iti avec chevaux et vaches, on a même exploré les maraes (lieux hautement mystiques pour les polynésiens), les grottes ou encore les fonds marins … rien de rien ! Pas une Agathe qui vive !

Alain a même été jusqu’à se sacrifier en prenant un catamaran pour tenter de la retrouver sur Tetiaroa, un atoll somptueux à 3 h de mer de Tahiti, accompagné de Françoise, Marie et Baptiste. J’avais, pour ma part, déclaré forfait devant mon expérience encore douloureuse de pêche au saumon.

prise de risque d’Alain … il va le payer après

Il a fait les choses bien Alain ! Il a pris un tel coup de soleil sur le ventre qu’une cloque est apparue ce qui lui a permis de faire la une des journaux. Quoi de mieux pour retrouver Agathe ? Il était connu et reconnu partout, des « bonjours Alain, comment ça va cette cloque?  » à « vous savez, Alain, il faut faire attention au soleil ici » à tous les coins de rue. Il a bien casé auprès des journalistes locaux qu’il aurait aimé retrouver Agathe pour mieux récupérer et bien, ça n’a pas marché, mais ça nous a permis de bien rigoler (enfin pas Alain, pour éviter que sa cloque n’explose !).

En dernière extrémité, on a tenté l’exploration d’une cocoteraie (au péril de nos vies car c’est un danger connu en Polynésie, se prendre une noix de coco sur la figure) et la leçon de surf pour les loulous qui se sont régalés … on a fait chou-blanc et le temps de partir était déjà là.

Cette fin du séjour arrivant, il est difficile de partir. Sans plus de renseignement, impossible de mettre la main sur Agathe … non seulement, elle restera un souvenir de papier glacé, un rêve de gamin, mais j’ai dans l’idée qu’on aurait eu besoin de pas grand chose pour la retrouver . D’un autre côté, c’est peut-être un peu mieux ainsi car, quand on voit comment certaines tahitiennes peuvent vieillir, je ne suis pas sûr qu’elle n’ait pas pris cher, mon Agathe. Mais surtout, on a passé un séjour formidable qui nous fait regretter de rentrer pour la première fois depuis que nous sommes à SF.

La douceur de vivre, la gentillesse des gens et la beauté des paysages nous ont profondément marqués. L’image de ces îles est bien plus que la carte postale avec le sable blanc et les eaux cristallines, c’est avant tout un peuple et un réel attachement à sa terre, ce petit confetti si riche et si fragile en plein milieu de l’océan.

Nous avons été emballés de ces deux semaines magnifiques et je ne peux m’empêcher de penser à l’état émotionnel de Marie pendant le mois qui a suivi : « I’ve got the blues »ce qui donne avec son magnifique accent américain : Agathe Zeblouze.

Mais bien sûr, Zeblouze, c’est son nom famille !! Avec cette info en plus, je vais devoir y retourner …

4 Replies to “À la recherche d’Agathe ou Tahiti, le paradis perdu”

  1. Mat, avoue que ton moteur principal durant la rédaction de ce billet était de coller ce jeu de mot pourrav à la fin.

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