C’est une de ces histoires que vous pourrez conter à vos petits enfants dans ces nuits où ils ne dorment pas. Vous savez, ces histoires à dormir debout auxquelles un esprit cartésien un minimum critique, y compris d’un nain de 4 ans, ne peut raisonnablement croire. Parfois, on peut même soupçonner l’esprit malade d’un auteur en manque de stupéfiant…

Il était une fois une princesse qui vivait au 19ème étage de sa tour de verre, dans un lointain pays fait de montagnes, de lacs et de rivières, au bord d’une mer chaude et azur. Ce pays était particulièrement riche et heureux, à tel point qu’on l’appelait la Suisse de l’Orient. Ça ne voulait pas dire que le peuple fabriquait des montres, habillé avec une salopette en hurlant dans la montagne. Ça signifiait qu’il y avait beaucoup de banques et plus de Ferraris que d’habitants (Une Ferrari est un carrosse italien luxueux avec un cheval cabré devant, mais sans cheval qui le tire … purée ça devient compliqué … ça y est les gosses commencent à décrocher). Et puis de lointaines puissances décident d’installer les survivants d’une guerre dans un territoire voisin de notre paisible royaume. Ils n’y vont pas de main morte et ils se débrouillent pour que les gens qui étaient là avant perdent tout … alors ces exilés se réfugient dans le royaume de la princesse ce qui met un sacré bazar et déclenche (je passe les détails puisque les gosses sont sur le point de se barrer) une guerre civile dans tout le pays, et puis les royaumes voisins en profitent pour envoyer leurs chevaliers péter la gueule de l’armée de la princesse. Elle, pendant ce temps-là, ne se rend compte de rien. Elle est un peu gourdasse mais c’est normal, c’est une princesse de conte de fée.

Ça met un tel foutoir que, 40 ans plus tard, le pays est toujours ingouvernable. Bon, jusque-là on y croit encore, ce conte est crédible même si on se dit que c’est quand même bizarre comme histoire. Et là, elle va lâcher les chevaux, la princesse, je vous préviens. Non les gosses, pas ceux du carrosse sans cheval puisqu’il n’en a pas ! Purée, faudrait suivre !

La princesse est coincée dans sa tour au 19ème étage sort peu parce qu’elle a peur des coupures d’électricité et hésite à prendre l’ascenseur. Elle trouve un beau prince charmant chauve, se marie et fait de nombreux enfants (2, ça fait beaucoup).Elle file le parfait amour et, du coup, elle laisse les rênes du pouvoir, du moins ce qu’il en reste, (non, il n ‘y a pas de reines, c’est un homophone … faudrait peut-être bosser à l’école, les mômes, même à distance !! ) à des méchants vizirs qui maltraitent le peuple et qui se mettent le trésor du royaume dans leurs poches. La situation est grave et le peuple se révolte, les banques doivent fermer, il n’y a plus rien à manger et les salaires sont divisés par 10.

La misère s’empare du beau pays et un mage noir décide de faire exploser le port pour faire peur au peuple. Il se gourre un peu dans les doses et cela devient la 3ème plus grosse explosion dans l’Histoire des explosions dûes à l’Homme (c’est un peu le classement de la lose celui-là…).

Du coup, comme les gosses ont définitivement lâché le fil de l’Histoire car ils sont incapables de se concentrer plus de 5 minutes devant une narration pourtant d’une limpidité remarquable, nous sommes obligés, comme dans toute activité de ce 21ème siècle qui se respecte, de mettre une petite vidéo pour les remobiliser. Nous avons choisi une vidéo assez légère, sans image choquante, ni violence inutile. On a même clos la vidéo sur une happy end en musique, bien peu évidente compte tenu du contexte.

Ça y est, on a l’attention de la foule ? Pour ne rien gâcher, un autre mage noir a décidé de jeter une dernière malédiction sur le pays (quand je dis la dernière, c’est la dernière en date …) en répandant un virus dans le monde entier. La princesse se retrouve à présent prise au piège, contrainte de rester isolée afin de ne pas tomber malade, les hôpitaux étant complètement débordés.

Elle est coincée là haut, observant son pauvre royaume déserté. Il faut dire que les vizirs ont pris la décision très rude de bloquer le pays complètement, en couvre-feu permanent, y compris pour aller au marché. Il faut donc se faire livrer leur nourriture et s’occuper pendant ces longues journées enfermés, sans avoir le droit de sortir. La princesse regarde la neige recouvrir les montagnes qu’elle observe au loin et, dans ses rêves les plus fous, elle imagine les voyages, la liberté qu’elle n’aurait jamais cru perdre à ce point…

Son quotidien est morne, elle fait du yoga, de la gym et tient sa maison (désolé les filles, un conte a toujours une bonne dose de sexisme rétrograde), elle aide aussi ses enfants à supporter les cours en ligne et s’extasie devant son preux chevalier si courageux. En effet, un soir, il se décide à prendre son fidèle destrier pour traverser la cité malgré l’interdiction, sursautant à chaque intersection et finissant même par une petite course-poursuite avec la maréchaussée sous la pluie afin de ne pas finir dans les geôles du palais. Pourquoi une telle prise de risque ? Parce qu’il lui faut ce presse-agrumes, mis en vente sur une brocante pour qu’elle s’occupe en faisant des jus d’orange. Bref, elle s’emmerde …

Avec aussi peu de sollicitations, la princesse commence aussi à sombrer petit à petit dans la folie … Un jour, lors d’une coupure du courant, alors que tout le monde travaillait dans la maisonnée, l’onduleur (pour ceux qui l’ignorent, c’est une sorte de batterie qui se met en marche pour servir de relais durant les multiples coupures de la journée) faisait le bruit classique bip bip bip … La pauvre princesse, agacée par ce bruit bien inutile, décide alors de l’éteindre pour profiter du calme paisible de l’après-midi. Les membres de la famille sortent alors à l’unisson de leur chambre pour s’étonner d’avoir perdu leur connexion si brutalement, et du même coup, le suivi de leur leçon. La princesse proteste bien lors de son procès, feignant la surprise, mais le jugement est unanime pour une expulsion immédiate du logement pour faute grave. La conséquence dramatique de la sentence mène l’errance de la la belle à l’hôpital où elle débranche 324 respirateurs artificiels pour un bilan de 235 morts et 82 états catatoniques.

La princesse protège aussi la famille en cachant la tondeuse pour empêcher le prince de couper les cheveux de son fils, jaloux de l’imposante tignasse. Elle préfère éviter ce genre de drame et y parvient par un odieux stratagème.

Il est vraiment temps qu’elle puisse à nouveau profiter de la liberté du royaume mais cela n’est pas prêt d’arriver car le couvre feu de 24h sur 24 a été promulgué par les vizirs pour au moins un mois. Le retour à la normale avec une ouverture des restaurants est prévue pour la fin mars. Pour les écoles, nul ne sait et le travail se fait complètement à distance de puis de très nombreuses semaines au plus grand désespoir de tous. Les enfants de la princesse ont eu l’autorisation pour sortir de temps en temps malgré l’interdiction gouvernementale et la maladie qui fait des ravages, car l’isolement fait d’autres dégâts, bien moins visibles. Par exemple, le fils de la princesse a fêté ses 18 ans avec ses parents, et , même si leur compagnie est plutôt agréable, c’est loin de l’anniversaire auquel on peut rêver. Il s’est fait beau et ils ont suivi le mouvement en lui passant avec nostalgie un petit film égrainant les moments de sa jeune vie, ces instants qui semblent être passés comme un éclair.

Le temps file et s’égraine si lentement, la relativité du temps prend tout son sens en ce moment …

C’est une histoire dont on ne connaît pas la fin, les gamins se sont cassés depuis longtemps tant on peine à y croire. Moi en tout cas, il y a 2 ans, je n’y aurais pas cru une seule seconde… Et pourtant, nous y voilà, enfermés, suspendus et parfois abattus. Dors mon petit blog, dors, les nains sont définitivement partis …

Toute ressemblance avec des personnages réels est parfaitement volontaire.

la princesse

Bises à tous

2 Replies to “La princesse confinée dans son appartement”

  1. Il ne faut jamais sous-estimer la force des princesses et princes pour combattre le grand fléau. La bataille sera rude mais l’étoilerais noire a bien été vaincue.
    Dans certaine contrées lointaines le soleil brille et on vois les gens dehors preparer les festivités interdites …

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