Nos vacances avaient pourtant bien commencé avec deux semaines à revoir famille et amis, du repos et du calme, dans la fraîcheur parisienne de ce début de mois de juillet , ce qui nous allait très bien après les chaleurs étouffantes de Beyrouth. Juste le temps de faire notre première dose de vaccin et nous avons enchaîné avec une petite semaine à Bordeaux chez nos amis québécois entre balades, visites immobilières (il faut bien qu’on rentre en France un jour même si les prix sont devenus affolants), plage et rigolades… évidemment !

on a même fait une offre pour celle-là !! 140 000 en dessous 😀

Bref, de vraies vacances, les enfants profitant aussi de leur côté pour revoir leurs amis américains, libanais ou meldois. Sur la route de notre prochaine destination, on sentait les pins, le soleil et la Méditerranée qui nous tendait les bras. Direction Grasse pour retrouver notre bande de potes de SF dans un magnifique écrin au-dessus de la route Napoléon.

Tout allait parfaitement avec un petit concert de Keziah Jones (quel déhanché !)

puis le plaisir de se retrouver avec des amis fous, autour d’un mariage sans maire ni curé, lorsque notre hôte Amélie a commencé à flancher avec un bon 39 et une grosse laryngite, puis ce fût mon tour de sombrer avec une fièvre de cheval … vous devinez la suite avec un gros cluster qui s’est diffusé bien après notre départ. Du coup, nous avons dû abandonner, la mort dans l’âme, nos plans du mois d’août avec la visite d’un collègue de SF en Ardèche et nos deux semaines en Corse. La recherche de lieux pour se confiner n’a pas été simple, les AirBnB et gîtes disponibles se comptant sur les doigts d’une main. Nous avons donc passé 3 jours à Avignon lors desquels Elise a plongé elle aussi malgré une première contamination en janvier et la dose de Pfeizer reçue 3 semaines plus tôt. De leur côté, Marie et Baptiste ont tenu le choc et sont passés à côté du virus, exploit retentissant devant la promiscuité de notre confinement. Je crois qu’on tient là les maillons faibles de la famille, « chui vraiment trop nul !  » comme dirait mon neveu … Je n’ai rien vu d’Avignon que l’arrivée et le départ en voiture, la ville affichant une belle gueule de bois de lendemain de soirée puisque nous sommes arrivés juste après la clôture du festival. La fièvre ne me quittant pas, ma chance aura été de pouvoir regarder les JO une partie de la nuit et le matin, ça passait le temps … Villefranche de Rouergue, en Aveyron, aura été notre 2ème AirBnB pour enfin voir une amélioration, Élise suivant plus ou moins la même évolution, un peu marquée cependant. C’est à la dégustation du premier aligot que j’ai commencé à comprendre que le goût et l’odorat avaient décidé de partir en Corse de leur côté, cette bande de lâches. Seul avantage de la situation : l’appétit n’est pas vraiment là dans ce cas et on maigrit bien mieux qu’avec un Danmara. Avec l’évolution de mon état, j’ai enfin pu mettre le nez dehors pour constater que j’étais dans la forme physique de ma vie, incapable de marcher plus de 10 minutes sans une fatigue d’ascension du Mont-Blanc.

Ça tombe assez bien, Villefranche de Rouergue, c’est mignon mais il n’y a pas grand chose à faire à plus de 10 minutes à la ronde … Sinon, Le PCR a livré son verdict après une semaine d’incubation au labo, et c’est bien le delta qui m’a terrassé. Ça m’a mis du baume au cœur, je me suis trouvé assez pro car c’est quand même le minimum de chopper le delta pour un prof de maths (ceux qui ont arrêté les maths en 2nde ne comprendront pas la blague, c’est bien fait pour eux). Du coup, malgré une toux tenace et les séquelles olfactives et gustatives, j’ai fini par tourner négatif plusieurs jours après Elise pour que nous puissions remonter voir la famille. Y’a pas à dire, il a fait un temps de gueux digne d’une fin d’automne…

On était donc content de retrouver le Liban avec sa douceur mais aussi quelques mauvaises surprises : la télé en panne et le wifi coupé pour non paiement sans un seul rappel … on avait pourtant payé avant de partir mais ils doivent avoir des impayés en cascades. Il faut dire que la crise s’amplifie ici avec une émigration de plus en plus problématique (les postes économiquement supérieurs vacants sont légions, payés une misère par rapport au coût de la vie), ce qui nous fait relativiser nos petits problèmes de l’été. Avoir de l’électricité 24h sur 24 est un luxe que peu d’immeubles peuvent se payer, il faut alors supporter la chaleur sans climatisation, trouver le sommeil malgré la moiteur ambiante. Nous attendons octobre avec impatience pour que les températures baissent un peu et rendent la vie plus facile. D’ici là, les établissements scolaires ont pris des mesures : raccourcir les journées scolaires pour ne pas avoir à éclairer, pas de clim, libérer les élèves tous en même temps pour éviter aux parents plusieurs trajets … En effet, la pénurie d’essence, organisée par les importateurs, la mafia ou quelques autres voyous a fait monter le prix du plein de 50 000 LL (environ 3 euros) à plus de 400 000 LL actuellement (10% du salaire d un prof en fin de carrière) après 5 à 6 heures de queue. Expliquons un peu le phénomène : la Syrie est le responsable malheureux d’une grande partie du problème. La loi César américaine entraîne un quasi-embargo sur ce pays afin de mettre le régime de Bachar à genou. Il est donc plus intéressant pour les trafiquants de vendre l’essence livrée au Liban de l’autre côté de la frontière où son prix est double. C’est d’autant plus vrai que l’essence est subventionnée par l’état libanais afin de permettre aux gens de survivre malgré la crise économique. Cette subvention a été décidée alors que le prix du baril était de 28 dollars. Les quelques réserves monétaires du pays comblent donc l’écart avec le prix actuel de 70 dollars, ce qui représente un gouffre que le gouvernement ne peut plus se permettre (gouvernement démissionnaire depuis un an et demi …). Ils vont donc arrêter de subventionner et certains malins ont donc décidé de stocker l’essence pour la revendre quand elle sera plus chère. Le bilan est évidemment catastrophique car tout marche à l’essence, au fuel et au gaz ici. Le prix du fuel a donc été multiplié par 10, le gaz de cuisson a triplé, les queues pour avoir de l’essence s’étendent sur des kilomètres, débordant allègrement sur l’autoroute, les gens y placent leur voiture en pleine nuit et dorment dans leur voiture une partie du temps dans l’espoir d’obtenir 10 ou 15 litres s’ils sont chanceux.

Voir les non-décisions politiques des dirigeants de ce pays, mais aussi des puissances qui l’entourent et qui cherchent un affaiblissement de cette zone (Syrie: fait, Irak : fait , Liban : presque fini , je serai Jordanien, j’aurais un peu la trouille), nous afflige et nous attriste. Nous sommes des nantis dans ce pays : on mange ce qu’on veut, on a de l’électricité et on paye des gens pour nous faire le plein. Nous ne sommes pas à plaindre et la vie reste agréable si on omet la gastro qui nous a frappé durement avec Marie ces derniers jours, il faut être prudents puisque la chaîne du froid a du mal à être respectée avec les coupures à répétition. Pour la première fois, on fait preuve de pessimisme car tout est trop atteint dans ce pays, gangréné … La résilience libanaise se heurte à un égoïsme forcené qui fait que chacun joue pour lui. C’est ainsi qu’il est impossible de former un gouvernement car les 3 partis au pouvoir se chamaillent pour des noms, laissant la misère au peuple. 70% de la population ne mange plus à sa faim et les 2 millions de réfugiés palestiniens et syriens ne peuvent plus vivre ici, mais n’ont nulle part où aller. On perd espoir mais on n’est plus à une surprise près avec le courage et la débrouillardise de ces gens. Pour preuve, on commence à voir fleurir l’installation de panneaux solaires sur les toits des immeubles qui nous entourent, quelques-uns commencent à utiliser le vélo voire à marcher (incroyable changement, les libanais prenant habituellement leur voiture pour faire 200 mètres). La société civile continue de palier aux carences des politiques en organisant une partie de la vie (nettoyage des plages, organisation pour les médicaments, entraide pour fournir des repas aux plus démunis).

Finalement, on est pessimistes mais on a envie d’espérer car leur courage nous y contraint avec admiration. Et si, pour une fois, le delta pouvait avoir l’obligeance de passer son chemin, le Liban s’éviterait une énième plaie, ce qui ne serait pas un luxe.

À bientôt

4 Replies to “Delta = Schavs au tapis²- 4 voyages en Corse”

  1. Whaou quelle belles vacances. Je constate que Marie a encore résisté. Bon j’espère que c’est pas trop dure au vu de ce que l’on entend dans les médias. Au moins vous pouvez vous déplacer pas comme ici
    La bise aux SCHAV

    1. Oui, c’est vrai qu’on peut bouger… enfin à pied 🙂
      Entre la chaleur, la marche et la gastro, on fond à vue d’oeil !
      Bon courage pour ce énième confinement.

  2. On a connu des posts plus drôles, mais les circonstances libanaises le justifient…
    Heureusement qu’il y a le fameux delta qui est passé par là ( moi j’ai compris la blague mathématique, ouf!).
    Et pour ce qui est de la Corse ou l’Ardèche, elles n’auront sans doute pas beaucoup bougé lors de votre prochain passage… L’envie sera juste plus forte!
    Profitez bien et bon courage avec ces conditions… (je rêve aussi de journées plus courtes et sans masque…)
    Ciao la famille!

Comments are closed.