Cela fait maintenant 9 mois que nous sommes au Liban et on a commencé à mesurer les difficultés et les astuces de ce pays. Toutes ces petites expériences qui font le sel de l’expatriation, ces galères qui font hurler de rage tant on se croit pris dans un tourbillon irrésistible.
En un an d’installation, vous n’imaginez pas le nombre de démarches administratives interminables qui peuvent nourrir cette envie bestiale de mawashigeri-coup-de-pied-circulaire dans la face de l’interlocuteur borné. Le téléphone portable, l’internet, la scolarité des enfants, la carte de résident, la carte grise de la voiture, l’assurance de la voiture ou encore le permis de Baptiste …
Nous vous avions raconté certains déboires à la Poste , et bien là, c’est pire ! Du coup, on a compris le truc et on s’est mis au mode de fonctionnement libanais. Il faut trouver la bonne personne, et accessoirement arroser d’un bakchiche qui il se doit pour que le dossier avance miraculeusement. Du coup, la bonne question à poser est : « Est-ce que tu connais quelqu’un pour …. ? « . Au lycée, on a des gars qui sont là pour ça, pour te faciliter la vie au quotidien : celui qui fait les choses dans les règles à ta place, celui un peu plus borderline et puis celui qui fait carrément dans la mafia.
Dans plusieurs situations, ça se passe plutôt bien, comme avec notre proprio qui est un ancien député et qui nous a permis de cramer des files d’attente de 150 personnes pour internet, ou par exemple pour le portable quand nous sommes arrivés où nous avons un peu magouillé pour la ligne de téléphone de Baptiste obtenue sans pièce d’identité. Il y a des fois où c’est plus galère comme on vous l’avait raconté pour les dispenses scolaires des enfants et la chasse aux timbres.
Mais ça, c’était le monde d’avant, quand on ne savait pas … maintenant, on sait ! Du coup, ma première phrase quand j’arrive au lycée est : « tu ne connais pas quelqu’un ? »
Bon, il faut reconnaître que ça ne te laisse pas à l’abri de quelques couacs. Par exemple, voilà ce qu’il peut se passer quand tu demandes si tu ne connais pas quelqu’un qui est électricien et que tu n’as qu’une seule lampe dans la salle d’attente :

ou encore si tu connais quelqu’un qui peut t’apprendre à faire un créneau :

Les mauvaises langues diront que c’est un créneau à la FX mais c’est inexact puisqu’on voit bien que la voiture n’est pas sur le toit.
Comme on ne peut pas dire que les comportements rationnels soient le trait caractéristique le plus frappant du Liban, il nous faut accepter de nous plier à la culture de ce pays sous peine d’être rapidement handicapés. Du coup, Marie s’est un peu enflammée en tentant de nous faire un coup à la libanaise. En effet, on a toujours autant de mal à faire venir les colis (en ce moment, les lettres nous parviennent avec 2 mois et demi de délai). Du coup, Marie et les enfants ont tenté de se faire livrer un colis en passant par une compagnie belge. Là, vous vous dites tout de suite que ça ne semble pas hyper solide comme plan. Je ne peux pas vous donner tort, j’étais moi-même assez sceptique, mais le prix raisonnable de 85 euros face aux 300 euros de DHL et autres, a fini par me convaincre que les belges étaient les plus fiables. Quand le papier de la Poste a fait son irruption par nos gardiens trois mois plus tard pour une livraison prévue en 3 jours, j’ai tout de suite dit à Marie : « on connaît quelqu’un aux douanes ? ». Et là, elle m’a un peu épatée en m’annonçant avec une conviction naïve : « Ça fait longtemps qu’on attend, on va y aller nous mêmes ! ».
Si vous avez suivi ce blog, vous vous dites que ça va mal se passer et vous attendez avec une tension non feinte la suite du récit … et bien vous avez raison ! Tout d’abord, nous avons dû développer des trésors d’ingéniosité pour trouver où nous devions nous rendre avant de trouver que c’est au dépôt de LibanPost à l’aéroport que notre colis nous attendait. On prend donc notre voiture, un sac de survie, 3 litres d’eau et les duvets pour parer à toute situation inattendue. Quelques interlocuteurs plus loin, nous voilà face à une charmante douanière qui nous aboie à moitié dessus, dans un anglais plutôt maîtrisé. Je regarde Marie d’un oeil agacé … « on va y aller nous même ? Purée, moi je connaissais quelqu’un !! Là, on n’est pas le cul sorti des ronces ! ».
Voilà la dame qui ouvre le colis et qui s’étonne du montant déclaré . Là, je ne reconnais pas ma femme qui, au choix:
- ne comprends rien à l’anglais de la dame
- est devenue complètement débile
- joue un rôle sciemment
Et moi, je me retrouve au milieu de cette petite scènette sans avoir la moindre idée de ce que contient ce fichu colis. Marie est plongée dans son portable en cherchant péniblement les factures et je ne comprends pas pourquoi elle n’y arrive pas. En gros, la déclaration est inférieure de 300 euros à la valeur des étiquettes mais Marie tente d’expliquer que ce sont les étiquettes avant des soldes et que ce n’est pas ce qu’on a payé. Je me suis cru dans une célèbre scène du film des Nuls :
À grand renfort de regards convaincus de ma part, on finit par se sortir du piège et la dame se met à sortir son carnet de fiscalité libanaise et écrit plein de choses (en arabe ), et on se dit qu’on va douiller un max. Heureusement, la parité de la livre à 1500LL pour un 1$ nous fait pas grand chose (65 euros officiellement et 6,50 euros finalement). En quittant le bureau de cette dame à la recherche de l’endroit où il faut payer, je m’enquiers de l’état de ma femme que j’ai trouvé bien étrange. Elle m’avoue qu’elle savait très bien ce qu’elle faisait : c’est elle qui a minoré la déclaration et elle a fait exprès de ne rien trouver … « Purée, mais préviens-moi quand tu fais ça ! », j’ai quand même commencé à m’énerver auprès de cette dame en disant qu’on y était pour rien et j’aurais pu tomber dans des embrouilles. Elle me fait son petit sourire gêné,
« – oui désolée
-arrête de bluffer Marconni , la prochaine fois, on envoie quelqu’un ! «
D’autant qu’on a finalement mis 3 h pour récupérer notre carton puisqu’il fallait naviguer entre 3 bureaux dans la zone douanière de l’aéroport de Beyrouth… pas super rentable comme opération !
Bon, sinon, on est toujours en galère avec le permis libanais de Baptiste qui reste en friche après 5 mois de dédale administratif. On a épuisé deux gars qui pensaient pouvoir nous l’obtenir ( sans qu’il conduise bien sûr … 😀 ), mais sans succès. On a même réussi à obtenir le numéro de la directrice aux transports il y a quelques jours sans succès. On finira bien par tomber sur la bonne personne mais il ne faut pas être pressés…
C’est comme notre carte grise, on l’a obtenue en 9 mois, de haute lutte entre le dossier qui était dans le port au moment de l’explosion, le centre de contrôle technique qui a fermé pour des raisons politiques et les divers obstacles comme le Ramadan, le confinement ou la crise économique. En attendant, on vient de comprendre qu’on roulait sans assurance pendant tout ce temps !! Pas très rassurant, mais on aurait bien trouvé un gars pour nous sortir de prison …
D’ici là, on va retrouver un pays plus tranquille en prenant l’avion pour la France dans quelques heures, de quitter la température étouffante du Liban et toute cette pression. Ça va nous faire un bien fou de vous retrouver et de ne pas lutter pour faire le plein d’essence ou de craindre une coupure d’électricité quand on prendra l’ascenseur.
En attendant notre retour dans ce pays de la magouille, si chaotique mais si attachant, et la suite de nos aventures, on vous embrasse.
À très bientôt.
Coucou
Bon au vu des délais Marie aurait pas pu attendre de revenir en France pour avoir ses produits ou alors c’était une nouvelle façon de te tester…
Vous restez combien de temps et où dans l’hexagone ?
La bise
Un épisode du podcast économique Splash directement en rapport avec le sujet de ce billet :
https://art19.com/shows/splash/episodes/80e6f525-ca64-4313-bc93-f8261df348b6/embed?theme=light-custom
On reconnait bien là la pugnacité de Marie! Bravo !
C’est pour ne pas me retrouver face à des personnes comme elle que je n’ai jamais voulu faire douanier!
Bises à tutti!